La CAA de Paris juge que la prétendue nullité civile d’une convention conclue entre sociétés du même groupe est sans incidence en droit fiscal et réaffirme, ce faisant, l’autonomie de ce dernier pour qualifier d’acte anormal de gestion la fourniture par la société mère de prestations non rémunérées au profit de ses filiales.
L’histoire
Une société exerçant une activité de prise et de gestion de participations ainsi que de prestations de services aux entreprises, détient plusieurs filiales, emploie un gérant auquel elle verse une rémunération et dont elle supporte les charges sociales, alors même que celui-ci consacre l’essentiel de son activité aux filiales, dont il assure également la gérance, sans qu’aucune facturation de ces prestations ne soit établie.
À l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos 2016 à 2018, l’administration fiscale a considéré que la prise en charge par la société mère de ces charges engagées au seul bénéfice des filiales, sans contrepartie, est constitutive d’un acte anormal de gestion.
La décision
Sur la charge de la preuve
Pour mémoire, en application de l’article R. 194-1 du LPF, un contribuable qui accepte une rectification, ou qui ne répond pas dans le délai légal à la proposition de rectification, ne peut obtenir une réduction d’imposition qu’en prouvant qu’elle est exagérée. La charge de la preuve lui incombe donc s’il a accepté explicitement ou tacitement les rectifications, ce qui est le cas en l’absence de réponse dans le délai de trente jours, éventuellement prorogé (BOI-CF-IOR-10-50-20 n°40).
Ici, la société soutenait que la preuve incombait à l’Administration, n’ayant pas accepté les rectifications. Toutefois, la Cour administrative d’appel de Paris constate que la notification a été régulièrement faite et que le pli recommandé n’a pas été réclamé malgré les avis. En l’absence d’observations ou de demande de prorogation dans le délai d’un mois, la société est réputée avoir accepté tacitement les rectifications et doit donc prouver le caractère exagéré des impositions contestées.
Sur la qualification d’acte anormal de gestion
Pour contester la qualification d’acte anormal de gestion, la société avançait que le gérant intervenait aussi pour la société mère, que les filiales avaient des salariés assurant certaines tâches incombant normalement au gérant, et que ce dernier était également salarié d’une société tierce. La Cour administrative d’appel de Paris rejette ces arguments, constatant l’absence de preuve d’activité du gérant pour la société mère, le manque de précisions sur les fonctions des salariés des filiales, et jugeant que l’emploi du gérant dans une autre société non liée ne suffit pas à exclure une activité exercée au seul profit des filiales.
La société faisait également valoir que la convention conclue avec ses filiales, prévoyant la rémunération des prestations de services assurées par un gérant commun, serait entachée de nullité pour absence de cause, et qu’une telle nullité ferait obstacle à la qualification d’acte anormal de gestion.
Rappelons qu’au plan du droit civil, la Cour de cassation a jugé, par le passé, que des conventions de management conclues entre 2 sociétés ayant des dirigeants communs étaient nulles pour « absence de cause » (Cass. com., 14 septembre 2010, n°09-16.084 et 23 octobre 2012, n°11-23.376).
Au cas d’espèce, la Cour administrative d’appel rappelle toutefois l’autonomie du droit fiscal par rapport au droit civil et juge que la nullité alléguée des conventions est, en tout état de cause, sans incidence sur la qualification d’acte anormal de gestion. Elle considère qu’indépendamment de leur validité, le fait pour la société d’avoir fourni des prestations de services à ses filiales sans percevoir de rémunération caractérise un appauvrissement sans contrepartie, constitutif d’un acte anormal de gestion.
