La Cour de justice de l’Union européenne a été saisie en fin d’année dernière d’une question préjudicielle par une juridiction britannique dans le cadre d’un litige opposant Fenix International Limited, société exploitant un site internet consacré à un réseau social connu sous le nom Only Fans, à l’administration fiscale britannique.
La question préjudicielle
La question porte sur la validité, au regard de la Directive TVA, des dispositions de l’article 9 bis du règlement d’exécution (UE) n° 282/2011, instaurant une présomption d’opacité des plateformes qui s’interposent entre un éditeur de contenu et des utilisateurs. Plus précisément, il s’agit de savoir si cet article va au-delà de ce qui est autorisé par l’article 397 de la Directive TVA, en ce qu’il complèterait/modifierait l’article 28 de cette même directive par l’instauration d’une présomption irréfragable d’agissement des plateformes numériques en leur nom propre, lorsque ces dernières autorisent la facturation, la prestation de services ou fixent les conditions générales de la fourniture, y compris dans des situations où l’existence d’un fournisseur mandant est révélé au preneur du service.
Quelques rappels sur la Directive TVA
Pour mémoire :
- L’article 397 de la Directive TVA dispose que « Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, arrête les mesures nécessaires à l’application de la présente directive» ;
- L’article 28 de cette même directive dispose que « Lorsqu’un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d’autrui, s’entremet dans une prestation de services, il est réputé avoir reçu et fourni personnellement les services en question» .
En résumé, l’article 9 bis du règlement d’exécution (UE) 282/2011 introduit une présomption selon laquelle une plateforme, à partir de laquelle sont rendus des services électroniques, agit en son nom propre et pour le compte du fournisseur : la plateforme est alors réputée agir, pour les besoins de la TVA, en qualité d’intermédiaire opaque (fiction d’achat-revente de services à son niveau).
Cette présomption est en principe réfutable lorsque, par exemple, le mandataire indique explicitement le prestataire comme étant le fournisseur et que les dispositions contractuelles liant les parties reflètent cet état de fait.
Elle devient toutefois irréfragable lorsque la plateforme numérique autorise la facturation au client, la prestation des services ou fixe les conditions générales de la fourniture, peu importe que l’existence d’un mandat/l’identité du prestataire soit révélée.
La société Fenix considère, dans ce dernier cas, que l’article 9 bis susmentionné ajoute à l’article 28 de la Directive TVA, en ce qu’il prévoit une nouvelle situation dans laquelle le mandataire est traité obligatoirement comme un intermédiaire opaque. Cela aboutirait à modifier de manière substantielle la responsabilité des mandataires, ce qui irait au-delà de la simple clarification de l’Article 28 par l’ajout de nouvelles règles.
Dans le contexte actuel de croissance des obligations des plateformes en matière de TVA, la position de la CJUE dans la présente affaire fera l’objet de toutes les attentions.
Affaire à suivre !
Pour rappel, le champ des nouvelles règles en vigueur au 1er juillet 2021 (redevabilité des plateformes au titre (i) des ventes à distance intracommunautaires et domestiques de biens effectuées par des assujettis établis dans des pays tiers, ainsi que (ii) des ventes à distance de biens importés) n’affectent pas cette présomption applicable dans le cadre de la fourniture de services électroniques. Il en va de même de l’article 283 bis du CGI qui prévoit, depuis le 1er janvier 2020, un mécanisme de solidarité de paiement en matière de TVA entre l’assujetti redevable de la TVA sur un service dont le lieu de taxation est situé en France et l’opérateur de plateforme en ligne par l’intermédiaire duquel l’assujetti exerce son activité, dans la mesure où ce mécanisme ne s’applique que lorsque la plateforme n’est pas le redevable légal de la TVA sur l’opération.