Quand la courtoisie rencontre la probité : l’AFA publie un guide à destination des agents publics concernant les cadeaux et invitations

 

Loi Sapin II – Êtes-vous en conformité ?

Déclinées en 8 piliers, la loi Sapin II impose la mise en place d’un dispositif d’alerte anticorruption au sein des organisations, qu’elles soient publiques ou privées.

Deloitte lance aujourd’hui une grande enquête pour évaluer la maturité des structures dans la mise en place d’un tel dispositif dont les résultat seront présentés en septembre 2023.

N’hésitez pas à participer à cette enquête pour évaluer votre propre niveau de conformité : https://survey.deloitte.com/jfe/form/SV_0cv3ONbb4S0c6jA.

Le respect des obligations de dignité, d’impartialité, d’intégrité, de probité et de neutralité issues du Code général de la fonction publique auquel sont soumis les agents publics s’oppose souvent aux cadeaux et aux invitations qui leur sont fréquemment proposés dans le cadre de leurs missions. L’Agence française anticorruption (« AFA ») a publié le 15 septembre 2022 un guide destiné à aider les acteurs publics à identifier les risques liés à ces cadeaux et à mettre en place un dispositif qui permettrait de les encadrer.

Un principe simple confronté à une multiplicité de risques

L’AFA établit d’emblée un principe : un agent public n’a pas à accepter de cadeau ou d’invitation dans l’exercice de ses missions.

Cependant, la courtoisie, le protocole ou d’autres motifs professionnels peuvent ponctuellement justifier leur acceptation. Cette tolérance ne peut en aucune façon déroger au principe selon lequel aucun présent ne saurait être accepté si celui-ci induit une contrepartie potentielle, fût-elle implicite, ou tout autre lien de dépendance envers son auteur.

La Loi Sapin II (loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016) ne s’impose pas directement aux « acteurs publics » (notamment les administrations de l’Etat, collectivités territoriales, établissements publics, société d’économie mixte, associations ou fondations reconnues d’utilité publique). L’AFA a publié une fiche repère en juin 2022 qui liste de manière détaillée l’ensemble des structures pouvant faire l’objet d’un contrôle au titre de l’article 3, 3° de la Loi Sapin II. Ainsi, il peut apparaitre que les « acteurs publics » ne soient pas soumis aux règles de comportement spécifiques en matière de cadeaux et invitations, offerts à un ou plusieurs agents, lorsque ceux-ci s’inscrivent dans une démarche dite protocolaire, ou de remerciement. Pourtant, leur acceptation emporte un risque pénal d’atteinte à la probité assorti d’un effet négatif sur la réputation du service public et sur la confiance des citoyens dans les institutions publiques. C’est pourquoi l’AFA recommande, tout particulièrement qu’un code de conduite soit mis en place dans ces structures et qu’il traite notamment des risques liés aux cadeaux et invitations.

Face à la difficulté d’identifier les scénarios à risques auxquels sont exposés les agents publics en acceptant de tels cadeaux et invitations, l’AFA se saisit de l’expérience acquise dans le cadre de ses différentes missions, et notamment sur les meilleures pratiques constatées. L’objectif poursuivi est d’offrir un guide, sous forme de fiches pratiques, accompagnant les agents publics grâce à différentes étapes à suivre qui permettent d’identifier les risques, et de mettre en place un dispositif pour les encadrer.

L’appréciation casuistique du risque : la méthode de guidage de l’AFA

Le premier faisceau d’indices collectés par l’agent public qui doit lui permettre de repérer la situation à risque correspond aux fonctions et missions du récipiendaire, à la qualité et l’intérêt de la partie qui offre, et aux caractéristiques et circonstances du cadeau ou de l’invitation.

Viennent ensuite des principes déontologiques clés : refuser par principe, accepter quand on ne peut faire autrement, et, en toute hypothèse, informer sa hiérarchie.

Enfin, une attention toute particulière est attendue de l’agent intervenant notamment dans les procédures d’achat public, d’attribution de subventions, d’autorisations ou d’agréments, dans des fonctions d’inspection et de contrôle, des fonctions juridictionnelles, de maintien de l’ordre, des activités de guichet, etc.

Ainsi, l’AFA met-elle un point d’honneur à éclairer l’agent public dans ses décisions d’accepter ou non invitations et cadeaux sans imposer le refus pur et simple de ces derniers : dans certains cas par exemple, les cadeaux ou invitations peuvent être autorisés en raison de leur « faible » valeur.

La connaissance de l’encadrement des cadeaux et invitations : une boussole à destination des agents publics

Dans la deuxième partie de son guide, l’AFA recommande au travers de trois fiches pratiques de définir, formaliser et diffuser des règles adaptées en la matière en se fondant sur une méthode rigoureuse d’analyse et de hiérarchisation des risques tout en énonçant des orientations claires à l’attention des agents publics.

Par ailleurs, le guide fournit une liste non-exhaustive d’outils disponibles pour les employeurs publics afin de les aider à diffuser les règles entourant les invitations et cadeaux :

  • Le code de conduite
  • Le registre de déclaration des cadeaux ou invitations, en veillant à ce que son éventuelle mise en place ne soit pas excessivement coûteuse ou complexe
  • La déclaration sur l’honneur annuelle de non-acceptation
  • Le guide de sensibilisation des agents publics avec des exemples concrets

L’AFA préconise également que cette communication se fasse tant en interne à des fins de sensibilisation des agents, que vers l’extérieur, à destination notamment des tiers avec lesquels l’acteur public entre en relation dans l’exercice de ses missions et qui font l’objet, conformément au dispositif anticorruption de l’acteur public, d’une évaluation d’intégrité. L’idée étant de permettre une réelle diffusion de l’information afin que les tiers soient bien informés de l’encadrement des cadeaux et invitations afin de limiter les propositions inadéquates.

Les secteurs de la santé, des forces de l’ordre et du service public pénitentiaire requièrent une vigilance accrue

L’AFA mentionne ces secteurs publics du fait qu’ils connaissent une réglementation spécifique qui s’ajoute aux éléments mentionnés jusqu’alors.

En effet, concernant le domaine de la santé, l’ordonnance n° 2017-49 du 19 janvier 2017 modifie le Code de la santé publique (Articles L. 1453-3 et suivants) en posant une interdiction de principe de recevoir des avantages de la part des personnes commercialisant des produits de santé et des dispositifs médicaux, assortie de dérogations sous conditions (Articles L. 1453-6 à L. 1453-9 du code de la santé publique).

De son côté, le code de déontologie du service public pénitentiaire indique que le personnel de l’administration pénitentiaire ne peut remettre ou recevoir des personnes qui lui sont confiées, des sommes d’argent, objets ou substances quelconques en dehors des cas prévus par la loi (art. 19 du décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire).

Enfin, les policiers et les gendarmes ne peuvent se prévaloir de leur qualité pour en tirer un avantage personnel, ou utiliser à des fins étrangères à leur mission les informations dont ils ont connaissance dans le cadre de leurs fonctions (Articles R. 434-9 du code de la sécurité intérieur).

Les sanctions : un arsenal dissuasif

Enfin, ce guide a également vocation à informer l’agent des risques de poursuites pour corruption passive, trafic d’influence passif (Articles 432-11 à 432-11-1 du Code pénal), ou encore de concussion (Articles 432-10 du Code pénal) .

La personne qui propose le cadeau ou l’invitation est elle-même susceptible d’être poursuivie pour les délits :

  • de corruption active si l’on attend que celui qui reçoit le cadeau agisse (ou s’abstienne d’agir) en retour pour lui être favorable dans le cadre de ses fonctions ;
  • de trafic d’influence actif si l’on espère que l’agent public usera de son influence sur une autorité pour qu’elle prenne une décision.

Enfin, il ne faut oublier qu’au-delà du risque pénal précédemment exposé, s’ajoutent des sanctions disciplinaires.

 

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Benjamin Balensi

Benjamin Balensi, Avocat Associé, exerce son activité au sein de l’équipe droit des affaires. Il conseille les sociétés françaises et les groupes internationaux dans le cadre du développement de leur […]

Charlotte Cazalis

Charlotte est avocate en droit des affaires. Elle rejoint le cabinet Deloitte Société d’Avocats en 2017. Elle conseille des clients nationaux et multinationaux en droit commercial aussi bien en conseil […]