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Apport de titres à une société contrôlée (150-0 B ter) : modalités de réinvestissement et formalisme

La CAA de Toulouse se prononce sur la nature des réinvestissements éligibles pour le maintien du report d’imposition prévu à l’article 150-0 B ter du CGI [dans sa rédaction pré-LFR 2016]. Elle accepte un formalisme assez souple sur l’engagement de réinvestissement.

Rappel

En cas d’apport de titres réalisé par une personne physique en faveur d’une société contrôlée, l’opération bénéficie automatiquement d’un report d’imposition spécifique, sous réserve du respect des 2 conditions (CGI, art. 150-0 B ter) :

  • l’apport de titres est réalisé au profit d’une société établie en France ou dans un Etat membre de l’Union ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, et
  • la société bénéficiaire de l’apport est contrôlée par le contribuable.

Ce report expire en cas de cession dans un délai de 3 ans, par la société bénéficiaire de l’apport, des titres qui lui ont été apportés, sauf à ce qu’elle prenne l’engagement de réinvestir dans un délai de 2 ans le produit de cette cession, à hauteur d’au moins 60 % dans certaines activités opérationnelles (pour les cessions réalisées avant le 1er janvier 2019, ce pourcentage était fixé à 50 % du produit de la cession).

Un décret du 22 février 2016 (n°2016-177) est venu préciser les obligations déclaratives des sociétés bénéficiaires des apports. Il a ensuite été amendé par plusieurs décrets postérieurs.

Aujourd’hui, ces obligations déclaratives sont encadrées par l’article 41 quatervicies A, de l’annexe III au CGI.

Il en résulte qu’en cas de cession, dans les 3 années suivant la date de l’apport, des titres apportés par la société bénéficiaire de l’apport, celle-ci doit mentionner sur une attestation annexée à sa déclaration de résultat de l’exercice considéré :

  • Soit son engagement de réinvestir dans les 2 ans au moins 60 % du produit de cession des titres concernés (dans ce cas, il lui faudra ensuite joindre à sa déclaration de résultat de l’année du réinvestissement une attestation établissant le montant, la nature, et la date du réinvestissement) ;
  • Soit, à l’inverse, son absence d’engagement de réinvestissement.

L’histoire

Le 25 août 2016, un contribuable personne physique a apporté les titres d’une société à une société contrôlée. La plus-value ainsi réalisée a été soumise de plein droit au régime du report d’imposition prévu par l’article 150-0 B ter du CGI.

Le 1er septembre 2016, la société bénéficiaire de l’apport a cédé les titres ainsi reçus – mettant, en principe, fin au report d’imposition.

Le 30 mai 2018 – c’est-à-dire dans le délai de réinvestissement qui lui était imparti – la société bénéficiaire de l’apport a réinvesti plus de 50 % du produit de cession dans l’augmentation de capital d’une société commerciale, et dans le financement des travaux de rénovation de cette dernière, en vue de l’exercice d’une activité de restauration.

A la suite d’un contrôle sur pièces, l’Administration a entendu remettre en cause l’application du report d’imposition au double motif que (i) le financement des travaux de rénovation ne pouvait pas être regardé comme un réinvestissement éligible au sens de l’article 150-0 B ter du CGI et que (ii) le formalisme nécessaire n’avait pas été respecté.

La décision de la CAA de Toulouse

Sur la nature des réinvestissements

Précisons d’entrée de jeu que la CAA de Toulouse s’est prononcée ici sur les dispositions de l’article 150-0 B ter dans leur rédaction pré-LFR 2016 (applicable aux cessions de titres apportés, réalisées avant le 1er janvier 2017).

L’article 150-0 B ter prévoyait alors le maintien du report d’imposition lorsque la société bénéficiaire de l’apport procédait au « financement d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l’exception de la gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier ».

Aujourd’hui, les dispositions de l’article 150-0 B ter prévoient expressément que le produit de la cession doit être affecté « au financement de moyens permanents d’exploitation affectés (par la société) à son activité commerciale (…) industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière» (légalisant la position administrative, qui définissait déjà ainsi les investissements éligibles – BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60, 4 mars 2016, n°305).

Invalidant la position de l’Administration, la CAA de Toulouse juge qu’il convenait de s’en tenir à une lecture stricte des dispositions de l’article 150-0 B ter dans sa rédaction alors en vigueur.

Au cas d’espèce, elle relève que le produit de cession des titres préalablement apporté avait été substantiellement réinvesti dans le financement de travaux de rénovation en vue de l’exercice d’une activité de restauration – de sorte qu’il s’agissait bien d’un réinvestissement économique de nature à permettre le maintien du report d’imposition.

La solution serait différente sous l’empire de la législation actuelle.

Sur le respect du formalisme

Au cas d’espèce, le contribuable personne physique n’avait pas déclaré la plus-value réalisée lors de l’apport et la société bénéficiaire de l’apport n’avait pas davantage souscrit, dans sa déclaration de résultats 2016, l’engagement de réinvestissement du produit de cession des titres apportés.

La CAA de Toulouse, faisant preuve de souplesse, juge que ces omissions sont sans incidence sur le maintien du report d’imposition, « compte tenu de l’effectivité de ce réinvestissement et de la nature de l’avantage fiscal en cause ».

D’autres juridictions avaient déjà fait preuve de souplesse quant à ces obligations déclaratives par le passé, mais dans des affaires où l’existence d’un formalisme spécifique n’avait été introduit que postérieurement aux opérations en cause (CAA Nantes, 8 octobre 2024, n°23NT03788 ou encore CAA Paris, 24 janvier 2025, n°23PA05337).

Ce point mériterait d’être confirmé par le Conseil d’État.

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    Alice de Massiac

    Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à…

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    Clara Maignan

    Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique…

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