Le Conseil d’État apporte des précisions sur les modalités d’appréciation de la prépondérance immobilière d’une société, détenant elle-même des participations dans d’autres sociétés à prépondérance immobilière.
Rappel
Les dotations de provisions pour dépréciation de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées sont déductibles du résultat taxable au taux de droit commun, corrélativement, leurs reprises sont soumises à l’impôt (CGI, art. 219, I-a sexies-0 bis).
Dans ce cadre, les sociétés dont l’actif est constitué, pour plus de 50 % de sa valeur réelle, par des immeubles, des droits portant sur des immeubles, des droits afférents à un contrat de crédit-bail, ou par des titres d’autres sociétés à prépondérance immobilière, sont considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière.
Le Conseil d’État est venu préciser (avis n°432053 du 22 novembre 2019) que la prépondérance immobilière s’apprécie, dans l’hypothèse de la constatation d’une dépréciation par le biais d’une provision :
- Soit à la date de clôture du dernier exercice de la société filiale dont les titres sont détenus et qui précède la constitution de la provision ;
- Soit à la date à laquelle la provision est constituée, c’est-à-dire à la clôture de l’exercice de la société mère qui détient les titres.
L’histoire
Une société a constitué, au titre de l’exercice clos le 31 mars 2013, une provision pour dépréciation des titres de participation détenus dans une SARL.
Considérant que cette SARL devait être regardée comme une société à prépondérance immobilière non cotée, elle a déduit la dotation de son résultat imposable à l’IS. La qualification de société à prépondérance immobilière a été remise en cause par l’Administration.
Devant les juges du fond, la société requérante a fait valoir que la SARL détenait elle-même des participations (à hauteur de 99,99 %) dans une SNC à prépondérance immobilière, titulaire d’un programme immobilier, de sorte qu’il convenait, selon elle, de tenir compte de la valeur de ces actifs immobiliers pour l’appréciation du seuil de 50 % au niveau de la SARL.
La CAA de Paris a écarté l’argument, dans la mesure où les actifs immobiliers en question étaient inscrits à l’actif de la SNC, et non à celui de la SARL.
Elle a ainsi jugé que l’appréciation de la valeur réelle des titres détenus par la SARL dans la SNC devait s’effectuer en fonction de l’évaluation et de la comptabilisation des titres à l’actif du bilan de la société détentrice des titres, c’est-à-dire au regard de la valeur retenue dans les écritures de la SARL, eu égard à son pourcentage de détention de ces titres (CAA Paris, 27 février 2024, n°22PA00232).
La décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État se saisit de l’occasion pour expliciter les modalités d’appréciation de la prépondérance immobilière de l’actif d’une société, lorsqu’il est constitué de participations dans d’autres sociétés à prépondérance immobilière :
- Il rappelle d’abord qu’à la lettre du texte (CGI, art. 219, I a sexies-0 bis), le caractère de société à prépondérance immobilière s’apprécie compte-tenu de la « valeur réelle » des éléments de l’actif (notamment des titres détenus dans d’autres sociétés à prépondérance immobilière non cotées) ;
- Pour autant, l’Administration est fondée à retenir la valeur comptable de ces titres…
- … mais uniquement en l’absence de toute argumentation du contribuable tendant à démontrer que la valeur réelle des éléments d’actif de la société s’écarte de leur valeur comptable.
Il casse ensuite, pour erreur de droit, la décision des juges d’appel, pour n’avoir pas tenu compte des arguments soulevés par la société requérante, tendant à démontrer que la valeur réelle des titres de la SNC s’écartait de la valeur comptable retenue par l’Administration, et renvoie l’affaire pour jugement au fond.
Deux enseignements concernant l’appréciation de la prépondérance immobilière au sens de l’article 219, I a sexies-0 bis du CGI. Un enseignement d’évidence : la prise en compte de la valeur réelle d’un actif immobilier s’impose ainsi que le prévoit la loi. Un second enseignement implicite et fondamental : par ricochet, il est tenu compte de cette valeur réelle, en remontant la chaîne de participation, pour apprécier, dans la holding, la valeur de sa participation à partir de cet actif sous-jacent réévalué, ce qu’ont refusé de faire les juges du fond. La cour de renvoi devra se prononcer sur l’évaluation de la valeur réelle du sous-jacent, y compris en tenant compte des dettes, et en tirer les conséquences dans la holding.
On notera que le Conseil d’État transpose ici une solution déjà retenue pour l’application de la définition de la prépondérance immobilière en matière de plus-values de cession de titres de particuliers (CE, 20 novembre 2002, n°231088).
Dans ses conclusions (suivies), le rapporteur indique, toutefois, que cette solution « ne sera pas mécaniquement transposable à l’ensemble des dispositions fiscales faisant appel à la notion de prépondérance immobilière ». Le rapporteur public soulève ici une question intéressante relative aux référentiels « valeur vénale » et « valeur comptable » à utiliser pour l’application des dispositions du CGI qui n’intègrent aucune précision explicite à cet égard. Bien que la question mérite d’être posée, il semble difficile de pouvoir s’écarter du référentiel « valeur vénale » s’agissant notamment des dispositions de l’article 244 bis A cité comme exemple par le rapporteur public.
