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Affaire Arcomet Towercranes (C-726/23) : le montant facturé au titre d’un ajustement de prix de transfert selon la TNMM constitue la contrepartie d’une prestation de services soumise à la TVA

L’arrêt Arcomet Towercranes (CJUE, 1re ch., 4 septembre 2025, C-726/23, Arcomet Towercranes) apporte une clarification attendue sur l’articulation entre prix de transfert et TVA : il confirme que la rémunération de services intragroupes, fournis par une société mère à sa filiale et détaillés contractuellement, qui est calculée conformément à une méthode recommandée par les principes de l’OCDE et correspond à la partie de la marge d’exploitation supérieure à 2,74 % réalisée par cette filiale, constitue la contrepartie d’une prestation de services effectuée à titre onéreux relevant du champ d’application de la TVA.

La Cour assoit son analyse sur les circonstances factuelles du dossier : un contrat détaillant le périmètre des services, une méthode de détermination du prix s’inscrivant dans les Principes OCDE et un seuil de 2,74 % de marge d’exploitation repris au contrat comme déclencheur du règlement annuel.

La Cour suit ainsi la position proposée par l’avocat général que nous avions commentées dans un article précédent.

Bref rappel des faits

Le litige était né de trois factures de régularisation émises par la société mère belge au profit de sa filiale roumaine, en exécution d’un contrat de services intragroupe.

Une étude de prix de transfert antérieure avait fixé une fourchette de marge (– 0,71 % / 2,74 %) pour les filiales et le contrat prévoyait que la part de marge excédant 2,74 % serait reversée à la mère, par le biais d’une facturation en fin d’exercice.

Il avait été demandé à la CJUE de trancher la question de la qualification des ajustements de prix de transfert versés par la filiale à sa mère consécutivement à des marges excédentaires : constituaient-ils la contrepartie des services intragroupes, entrant par conséquent dans le champ d’application de la TVA ?

Réponse de la Cour

Sur le champ d’application de la Directive TVA en matière de prix de transfert (1re question préjudicielle) :

La rémunération de services intragroupe, fournis par une société mère à une société fille et détaillés contractuellement, qui est calculée selon la TNMM, doit être considérée comme étant la contrepartie d’une prestation de services effectuée à titre onéreux et doit être soumise à la TVA.

Pour la CJUE, les rémunérations en cause, calculées selon une méthode recommandée par les principes applicables en matière de prix de transfert (OCDE) et corrélée à la fraction de marge d’exploitation supérieure à 2,74 %, relève du champ de la TVA.

La Cour rattache explicitement sa solution aux éléments contractuels et économiques de l’espèce et notamment aux points suivants :

  • Engagements réciproques des deux parties.
  • Incidences des services fournis par la société mère belge sur marge de sa filiale roumaine (en raison notamment des économies en résultant pour celle-ci).
  • Services identifiables.
  • Méthode OCDE suivie.

La Cour confirme par ailleurs l’absence d’incidence des arguments énoncés par la demanderesse et notamment le fait que cette rétribution aurait un caractère incertain ou variable (points §. 45 à 47)

Sur les modalités de la preuve des conditions de fond du droit à déduction de la TVA (2e question préjudicielle) :

Dans l’hypothèse où les rapports entre la société mère et sa filiale révèlent l’existence d’une prestation de services soumise à la TVA, la Cour apporte aussi des précisions sur la manière dont la filiale doit établir son droit à déduction.

S’appuyant sur sa jurisprudence constante, elle rappelle qu’il revient à la personne assujettie qui souhaite exercer ce droit d’en apporter la preuve. À ce titre, l’administration fiscale roumaine pouvait légitimement demander à la filiale de démontrer que les prestations facturées avaient été effectivement réalisées et qu’elles avaient été utilisées pour les besoins de ses propres opérations imposables.

La Cour ajoute que les éléments probatoires peuvent inclure d’autres documents que la facture pour justifier de l’utilisation des services achetés pour les besoins de ses opérations taxées, pourvu qu’ils soient nécessaires et proportionnés à l’examen de la réunion des conditions matérielles du droit à déduction.

Zone grise : true-ups et true-downs

En matière de prix de transfert, un true-up est un règlement de fin d’exercice qui ajuste la rémunération facturée (ou due) en cours d’année pour atteindre une rentabilité-cible. Appliqué à des management services, il prend la forme d’un complément facturé par la mère à la filiale lorsque la marge réalisée par cette dernière dépasse le seuil contractuel ; à l’inverse, un true-down réduit la rémunération jusqu’à zéro si la marge est insuffisante.

Dans l’arrêt commenté, les années litigieuses correspondaient à des true-ups positifs fondés sur la part de marge au-delà de 2,74 %, ce flux constituant la modalité de rémunération des services décrits au contrat.

Or, lorsqu’un true-down ramène à zéro la rémunération d’un service effectivement fourni, la qualification d’un service sans contrepartie et de l’éventuel excédent versé par le prestataire du service au bénéficiaire deviennent source de complexités.

Au cas présent, on regrettera que la Cour ait esquivé ce cas de figure et sa délicate qualification TVA dans sa décision.

Conclusion

La décision Arcomet Towercranes confirme que l’organisation contractuelle et la traduction économique des flux intragroupes ont une importance significative : un contrat précis, des services détaillés et une méthode de rémunération intelligible permettent d’asseoir la qualification TVA des ajustements de prix de transfert.

S’agissant de l’exercice du droit à déduction de la TVA, cette décision rappelle que l’assujetti doit pouvoir démontrer, par des éléments objectifs, la réalité des services achetés par un assujetti et leur lien avec ses opérations taxées. La Cour confirme ici que les autorités fiscales d’un pays peuvent demander au contribuable des éléments autres que la facture (et notamment lorsque celle-ci ne satisfait pas pleinement aux exigences locales) pour caractériser le lien entre les services achetés et l’activité taxable de l’assujetti, en précisant cependant que les preuves exigées doivent être nécessaires et proportionnées aux fins d’apprécier si les conditions matérielles du droit de déduction sont satisfaites.

Cette décision souligne à nouveau le caractère « clé » de la documentation des flux.

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    Vanessa Irigoyen

    Vanessa, Avocat Associée, possède plus de 16 ans d’expérience en fiscalité indirecte. Elle travaille avec des clients français et internationaux…

  • Cécile Mevellec

    Cécile Mevellec est avocat directeur au sein du département fiscalité indirecte de Deloitte Société d’Avocats qu’elle a rejoint en 2010.…

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    Nathan est Avocat au sein de l’équipe Fiscalité Indirecte.