L’article 3 de la loi de finance 2023, codifié désormais à l’article 204 C du Code général des impôts, modifie les obligations fiscales françaises pour les employeurs étrangers en matière de prélèvement à la source.
Les récents développements de cet article lors de son passage devant le Sénat remettent potentiellement en cause l’application de ce régime pour certains employeurs britanniques.
Le nouveau dispositif
Pour rappel, ce nouveau dispositif supprime les obligations déclaratives mensuelles PASRAU des employeurs étrangers à compter du 1er janvier 2023. L’employeur étranger est néanmoins encore tenu de transmettre annuellement à l’administration fiscale le montant de la rémunération imposable en France déterminé d’après les règles fiscales françaises, sous peine d’amendes fiscales.
Concernant les modalités de paiement du prélèvement à la source, il se fera désormais mensuellement par prélèvement direct sur le compte bancaire du contribuable (mécanisme de l’acompte contemporain, déjà connu de certains travailleurs frontaliers).
Éligibilité au nouveau dispositif
Pour relever de ce nouveau dispositif, deux conditions cumulatives sont à respecter :
- l’employeur étranger doit être établi dans un pays de l’Union européenne ou dans un Etat ayant conclu une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à la directive 2010/24/UE du conseil du 16 mars 2010 et qui n’est pas un ETNC
- l’individu, par application de l’article 13 du règlement (CE) n°883/2004, ne doit pas être à la charge d’un régime obligatoire français de sécurité sociale (ce qui vise expressément les situations incidentaires où les contribuables exercent moins de 25 % de leur temps de travail en France)
Complexités administratives pour les employeurs britanniques
La référence à l’article 13 du règlement, ajouté par le Sénat lors de la navette législative du projet de loi de finances, vient à questionner l’applicabilité de ce nouveau dispositif aux employeurs britanniques.
En effet, depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, les textes applicables en matière de sécurité sociale ont évolué dans le contexte du Brexit, intervenu en janvier 2020. La coordination en matière de sécurité sociale pour les situations transfrontalières avec le Royaume-Uni est maintenant régie par les dispositions de l’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni qui s’applique depuis le 1er janvier 2021.
Par conséquent, depuis le 1er janvier 2021, le règlement européen (CE) n°883/2004 n’est plus applicable aux mobilités nouvelles entre le Royaume-Uni et les pays membres de l’Union européenne.
Concrètement, l’employeur britannique :
- est libéré des obligations mensuelles PASRAU pour les salariés ayant débuté une activité professionnelle au Royaume-Uni avant le 1er janvier 2021 et qui relèvent du régime obligatoire britannique de sécurité sociale en application du règlement européen (auquel cas, ce sont les individus qui devront s’acquitter de l’acompte contemporain sur la rémunération relative à leurs jours de travail en France) ; il doit toutefois s’enregistrer auprès de l’administration fiscale française pour procéder à la déclaration annuelle des salaires de source française imposables en France.
- doit s’enregistrer auprès de l’administration fiscale française et s’acquitter mensuellement du PASRAU sur la rémunération de source française pour les salariés ayant débuté une activité professionnelle au Royaume-Uni après le 1er janvier 2021 et dont l’affiliation au régime obligatoire britannique de sécurité sociale a été opérée par application de l’accord de commerce et de coopération.
Cela conduit à une multiplication des obligations fiscales au sein d’une même entreprise, pour un même employeur, lorsque certains salariés relèvent du régime obligatoire britannique de sécurité sociale alors qu’ils exercent partiellement leur activité professionnelle en France en vertu du règlement communautaire alors que d’autres salariés, dans la même configuration cotisent au régime obligatoire britannique de sécurité sociale en application de l’accord de commerce et de coopération.
En tout état de cause, pour les salariés résidents fiscaux de France exerçant l’intégralité de leur activité professionnelle en France (situation de détachement), ces mesures ne sont pas applicables. Dans ce cas, l’employeur britannique doit toujours procéder aux obligations PASRAU dès le 1er jour de travail en France.
Des premières précisions apportées par l’administration fiscale
Dans son communiqué publié sur le site www.impots.gouv.fr, l’administration fiscale indique qu’en pratique « sont essentiellement concernés les employeurs situés dans l’un des 27 États membres de l’UE, en Islande, en Norvège ou au Royaume-Uni pour les salaires versés à leurs salariés résidents fiscaux français qui exercent leur activité professionnelle dans l’un de ces pays et en France, l’activité en France n’y étant pas substantielle ».
L’administration fiscale confirme donc que ne sont concernés que les salariés résidents fiscaux français qui se trouvent dans l’une des situations prévues à l’article 30 de l’accord de retrait entre l’UE et le Royaume-Uni du 17 octobre 2019, à savoir principalement ceux qui étaient affiliés à la sécurité sociale britannique avant le 1er janvier 2021 et qui le sont demeurés sans interruption depuis.
Pour les salariés affiliés postérieurement au 1er janvier 2021 au régime britannique de sécurité sociale, l’employeur britannique restera assujetti aux obligations classiques du PASRAU (formalités d’enregistrement, déclaration et paiement mensuels, déclaration annuelle).
Rappelons que ce dispositif prétendait viser la simplification des obligations fiscales des employeurs étrangers en matière de prélèvement à la source.