Qu’est-ce qu’un système complexe ?
Un système complexe résulte de l’assemblage d’une grande diversité d’éléments, tant en quantité qu’en qualité et qui interagissent pour réaliser une mission. On peut citer par exemple un réseau électrique, les systèmes de transport, les systèmes de communications, etc. Leurs coûts de fabrication et de déploiement, et leur complexité font qu’ils sont souvent développés par générations successives, et dans de nombreux cas, ces générations présentent des grandes ruptures technologiques entre elles.
En quoi l’éligibilité au CIR d’un système complexe est-elle difficile à établir ?
Alors que le CIR soutient la recherche scientifique et technologique nécessaire au développement de nouveaux systèmes et de leurs générations successives, le manuel de Frascati est cependant peu disert sur la nature de l’éligibilité des développements incrémentaux réalisés sur ce type de système : « seul le coût additionnel dû à la nature expérimentale de ces produits peut être attribué à la R&D ». Ceci suppose, en particulier, que les développements incrémentaux soient clairement identifiables et individualisables, permettant d’établir de façon raisonnablement précise leur coût, et par différence, un coût additionnel… Rien de moins évident pour un système complexe typique !
Comment mesurer et démontrer la complexité ?
La notion de complexité a fait l’objet de nombreuses études tant chez les mathématiciens que chez les philosophes.
La complexité s’oppose évidemment à la simplicité, et est inséparable de notre capacité de comprendre. Bien que cette notion puisse être variable d’un individu à l’autre (selon son degré de formation, qualification, familiarité avec le système, d’usage, etc.), il est cependant possible de faire ressortir certaines caractéristiques communes, comptant plusieurs dimensions :
- Organique : on peut considérer que plus un système comporte de composants, plus il est complexe. La quantité ne fait pas la complexité, mais la variété des composants et leurs interactions possibles sont des éléments de complexité. Cette approche a été décrite plus en détail dans notre précédent article sur ce blog.
- Fonctionnelle : le nombre de fonctions assurées par le système, indépendamment de leur représentation organique, et dont la complexité provient de leurs interactions mutuelles et leur paramétrage.
- Intrinsèque : le nombre d’états du système peut être très important, et ces différents états peuvent être difficiles à lister, même après une judicieuse décomposition. On peut comparer par exemple le nombre d’états des feux rouges à un carrefour (quelques états possibles) à celui quasi-infini et en tout cas non énumérable des connexions d’un réseau téléphonique à un instant donné.
- Opérationnelle : la complexité se mesure aussi par le nombre et la rapidité d’interactions du système avec l’extérieur. Les systèmes informatiques, dont la vitesse dépasse celle de l’esprit humain, sont ainsi généralement plus complexes que les systèmes purement mécaniques, par ailleurs aussi peu réactifs par eux-mêmes à leur environnement (on peut par exemple comparer un feu d’artifice et un missile guidé).
- Scientifique et technologique : on peut aussi juger de la complexité d’un système par le nombre de sciences et technologies qui le composent et le sous-tendent : mathématiques, théories physiques à considérer : par exemple développer un laminoir nécessite des connaissances en mécanique, thermique, thermodynamique, métallurgie, chimie, etc.
Source : Daniel Krob
En final, la complexité est présente dès lors qu’un système fait apparaître une ou plusieurs caractéristiques de complexité exposée plus haut : les systèmes complexes exigent des descriptions longues (et parfois difficiles à comprendre). L’expérience montre aussi qu’il est souvent très difficile de développer des systèmes dont la fonctionnalité apparente est simple, alors qu’ils sont basés sur une très forte complexité intrinsèque et organique (ex : les applications sur téléphone mobile), principe connu sous le terme de « simplexité ».
En conclusion : la démonstration de l’éligibilité au CIR de systèmes complexes
L’éligibilité au CIR de l’étude et la réalisation de systèmes complexes peut s’appuyer sur plusieurs axes :
- Organique : quelles sont les avancées technologiques au niveau système, au niveau sous-système, dans chaque composant ?
- Fonctionnel : quelles sont les fonctionnalités nouvelles aux interactions multiples ?
- Intrinsèque : la complexité intrinsèque, liée à un nombre d’états du système très important génère-t-elle des difficultés de spécifications, de développement, d’intégration et de test ?
- Opérationnel : existe-t-il des usages nouveaux en interaction avec le monde extérieur ? Comment les spécifier et les valider ?
- Scientifique et technologique : plusieurs domaines scientifiques contribuent-ils à l’élaboration du système, et quelles sont les interactions entre ces domaines ?
Le bénéfice du CIR pour le développement d’un système complexe peut ainsi être attaché de près à la démonstration effective de sa complexité, démonstration reposant sur un argumentaire d’autant plus convaincant qu’il recoupe plusieurs des axes présentés ci-dessus.