Conditions d’opposabilité du rescrit JEI

La CA de Dijon vient rappeler les conditions d’opposabilité du rescrit spécifique relatif à l’éligibilité d’une entreprise au statut de JEI (prévu à l’article L. 80 B, 4° du LPF), ainsi que ses modalités d’application temporelles.

Rappel

Le statut de JEI (jeune entreprise innovante) est accordé aux PME (au sens de la législation européenne), créées depuis moins de 11 ans, ou depuis moins de 8 ans pour celles créées depuis le 1er janvier 2023 (CGI, art. 44 sexies-0 A).

Il leur faut, de plus, satisfaire à certaines conditions de détention, et engager, au cours de chaque exercice, des dépenses de R&D représentant au moins 15 % de leurs charges fiscalement déductibles.

Pour les exercices clos à compter du 1er juin 2024, le régime est également ouvert aux JEC (jeunes entreprises de croissance), définies comme celles qui engagent un taux de dépenses de R&D entre 5 % et 15 % de l’ensemble des dépenses déductibles, et satisfont à des indicateurs de performance économique (définis à l’article 49 Q de l’Annexe III au CGI). L’Administration a commenté les conditions d’éligibilité au régime JEC dans une publication du 3 juillet 2024 (BOI-BIC-CHAMP-80-20-20-10).

L’accès à ce statut offre un certain nombre d’avantages, notamment une exonération de charges sociales patronales sur les rémunérations versées aux personnels participant à la recherche.

Pour s’assurer qu’une entreprise est bien éligible à ces régimes, une demande de rescrit peut être déposée auprès de l’administration fiscale (procédure de rescrit spécifique prévue à l’article L. 80 B, 4° du LPF).

Une circulaire précise les conditions dans lesquelles il est mis à fin à l’exonération de cotisations sociales, selon que l’entreprise s’est, ou non, préalablement enquis de son éligibilité au statut de JEI auprès de l’administration fiscale, et qu’elle est, ou non, de bonne foi (lettre circulaire DSS n°2004-123, chapitre 34).

En substance, il en résulte que lorsqu’une entreprise, de bonne foi et ayant obtenu un avis favorable de l’administration fiscale, a appliqué l’exonération avant la clôture de l’exercice fiscal, mais ne remplit plus, à la clôture de cet exercice, les conditions pour être une JEI, le droit à exonération cesse d’être applicable à compter du 1er jour du mois civil de l’exercice suivant, sans être remis en cause pour l’exercice écoulé.

En revanche, si sa bonne foi est remise en cause, l’avis favorable rendu par l’administration fiscale est réputé ne pas être intervenu, et l’entreprise doit reverser les cotisations indûment exonérées.

L’histoire

Une entreprise a sollicité, en 2013, un rescrit en application des dispositions de l’article L. 80 B, 4° du LPF, pour s’assurer qu’elle pouvait bien bénéficier du statut de JEI.

L’Administration lui a répondu de manière favorable, par le biais d’un avis daté du 30 mai 2013.

Elle a alors appliqué le dispositif d’exonération de contributions patronales, au titre de l’année 2013, puis des années 2014 et 2015.

Postérieurement, l’URSSAF a contacté l’administration fiscale pour qu’elle lui précise si le rescrit de 2013 lui était bien opposable pour l’exercice 2015.

Celle-ci lui a alors indiqué que l’entreprise ne satisfaisait plus, en 2015, à la condition relative au taux des dépenses de R&D représentant au moins 15 % de ses charges fiscales déductibles.

L’URSSAF a considéré qu’en conséquence, et dès lors que la condition de bonne foi faisait défaut, le bénéfice de l’exonération devait être remis en cause au titre de l’exercice 2015.

La décision de la CA de Dijon

La Cour d’appel de Dijon confirme le redressement URSSAF.

Elle souligne que l’entreprise ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi, dès lors que les termes du rescrit obtenu étaient clairs, notamment en ce que :

  • Etaient expressément visées les dispositions de l’article 44 sexies-0 A, qui énoncent les critères d’éligibilité au statut de JEI, et notamment le taux de dépenses de R&D qui doit être supérieur à 15 % (ce qui n’était plus le cas en 2015) ;
  • L’entreprise était informée qu’en cas de modification ultérieure de la situation présentée lors de la demande initiale, cet accord ne pouvait plus être invoqué.

La Cour confirme donc l’obligation faite à l’entreprise de reverser les sommes correspondant aux cotisations litigieuses – assorties de majorations de retard.    

  • CA Dijon, 29 août 2024, n°22/00403
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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.