Le juge de l’impôt apporte des précisions bienvenues sur la notion de relations commerciales entre une filiale et sa mère.
Pour mémoire, pour les exercices clos depuis le 4 juillet 2012, les aides consenties à une autre entreprise qui ne présentent pas un caractère commercial ne sont pas déductibles, sauf à être accordées à une entreprise en difficulté financière soumise à une procédure collective ou de liquidation (2e LFR 2012, art. 17). En l’état du droit antérieur, l’entreprise qui consentait à l’une de ses filiales un abandon de créances à caractère financier avait le droit de le déduire fiscalement, sous certaines conditions, tandis que le bénéficiaire devait le prendre en compte dans ses résultats imposables dès lors qu’il entraîne une diminution de son passif et, par suite et à due concurrence, une augmentation de son actif net au sens de l’article 38, 2 du CGI.
On considère généralement que présente un caractère commercial un abandon de créances qui trouve son origine dans des relations commerciales entre deux entreprises et qui est consenti soit pour maintenir des débouchés, soit pour préserver des sources d’approvisionnement (BOI-BIC-BASE-50-10, n° 120). A l’inverse, un abandon de créance sera regardé comme revêtant un caractère financier lorsqu’il est accordé par une entreprise en vue de sauvegarder la valeur de ses participations, en assurant la pérennité d’une filiale. Cela étant, confrontées en pratique à une imbrication de relations commerciales et de relations financières entre la société mère et sa filiale, la jurisprudence (CE, 27 juin 1984, n° 35030), comme la doctrine administrative (BOI-BIC-BASE-50-10, n° 140), prescrivent de rechercher quels sont les motifs prépondérants qui ont conduit à l’octroi de l’aide.
En l’espèce, une société holding assurait une mission économique de groupement d’achat et de vente pour les sociétés du groupe dont elle détenait la quasi-totalité du capital. Elle a consenti à certaines de ces filiales des abandons de créances. L’Administration a considéré que ces aides présentaient un caractère financier, et n’en a admis que partiellement la déduction, sous le régime applicable antérieurement à la 2e LFR 2012. Elle fondait son analyse sur le fait que la holding n’entretenait pas de relations commerciales avec ses filiales, pour lesquelles elle ne réalisait que des opérations de courtage, sans prendre d’engagement quant à la bonne exécution des contrats conclus entre elles et leurs fournisseurs.
Cette analyse est censurée par le Conseil d’Etat qui reconnait, au contraire, pleinement le caractère commercial des abandons de créances litigieux. Il relève, pour ce faire, que la société aidante n’est pas seulement une société holding, mais qu’elle fournit également à ses filiales des prestations de référencement, négociant à cet effet des conditions tarifaires favorables avec les fournisseurs du groupe. Surtout, les recettes commerciales générées par la facturation de ces prestations à ces filiales sont plus de 50 fois supérieures au montant des dividendes perçus de ces mêmes filiales.
Cette décision, qui conserve toute sa pertinence sous l’empire de la loi nouvelle, confirme que, pour déterminer la finalité de l’abandon de créances, le juge se livre à une appréciation in concreto et qu’il ne s’en tient pas à une acception stricte de la notion de « relations commerciales ».
Avis du praticien – Laurent Schwab
Cette décision, positive pour le contribuable, réaffirme la nécessité de bien documenter en temps réel la nature des prestations de services rendues par une société mère à ses filiales, la conviction du juge ne pouvant être emportée en la matière que sur la base d’éléments tangibles.