Le 13 juin 2023, l’Observatoire des délais de paiement a publié son rapport annuel dans lequel il présente l’évolution des délais de paiement pratiqués en France par les entreprises et les acteurs publics. L’année 2022 s’inscrit dans la continuité de la diminution des retards de paiement constatée au cours des années précédentes enpassant de 12,4 jours fin 2021 à 11,7 jours fin 2022.
Selon le rapport, les PME font figure de bons élèves car plus de 75 % d’entre elles paient leurs factures en moins de 60 jours.
En revanche, l’Observatoire des délais de paiement pointe du doigt les grandes entreprises qui sont moins de 40 % à payer leurs fournisseurs dans les délais légaux. A ce titre, le rapport précise que ces retards engendrent un « transfert indu de trésorerie au bénéfice des grandes entreprises ».
Outre la prise en compte des comportements de paiement des entreprises dans la cotation des entreprises de la Banque de France, ces résultats encourageants justifient l’attention apportée aux délais pratiqués par les différents opérateurs économiques.
Aussi faut-il s’attendre à un maintien de l’intensité des contrôles effectués par les services de la DGCCRF dans les prochains mois, et particulièrement auprès des grandes entreprises.
Rappel du cadre législatif de la réglementation des délais de paiement
En France, avec la transposition des textes européens, les délais de paiement sont encadrés par les articles L441-10 et suivants du Code de commerce qui précisent, par catégorie de produits ou de services, les délais de paiement maximum applicables.
Le contrôle du respect des délais de paiement est supervisé par la DGCCRF et est réalisé sur le terrain par ses directions régionales (les DREETS) dans le cadre des pouvoirs d’enquête prévus par les articles L450-1 et suivants du Code de commerce. Ces contrôles sont une des priorités de la DGCCRF en raison de l’impact non négligeable des retards abusifs de paiement sur l’économie.
La violation de la réglementation des délais de paiement peut entraîner une amende administrative d’un montant pouvant atteindre 2 millions d’euros, et même 4 millions d’euros en cas de récidive (article L. 441-16 du Code de commerce).
Les bonnes pratiques à mettre en œuvre en matière de délais de paiement en amont des contrôles
Sensibiliser en interne sur la réglementation des délais de paiement
Afin de s’assurer du respect de la réglementation des délais de paiement, les salariés impliqués dans le traitement des factures doivent être sensibilisés aux règles ci-dessus rappelées, aux objectifs de la loi (la protection de l’économie) et aux nombreuses sanctions prononcées par l’Administration (publiées sur le site https://www.economie.gouv.fr).
Un engagement des différentes directions de l’entreprise dans l’objectif de réduction des délais de paiement est nécessaire pour mobiliser tous les opérationnels concernés, et notamment :
- la Direction juridique, par des formations juridiques
- la Direction administrative et financière, par une sensibilisation des opérationnels aux procédures comptables et aux enjeux qui y sont liés
- la Direction achat, par un effort de suivi du statut des fournisseurs afin d’éviter des retards pour des raisons administratives (mise à jour des adresses suite aux changements de sièges sociaux, modification des entités facturées en cas de réorganisations internes dans le groupe des fournisseurs, etc.)
Revoir les procédures de paiement afin de respecter les délais légaux
La mise en place de processus de paiement efficaces et adaptés à l’entreprise permet de participer à la réduction des délais de paiement. Certaines entreprises revoient par exemple leur process de validation des factures afin de réduire les délais d’enregistrement comptable et donc les délais de paiement.
La dématérialisation des processus de facturation doit permettre de simplifier le traitement des factures tout en améliorant le suivi de leur paiement. Elle sera rendue progressivement obligatoire entre professionnels dans les prochaines années (à l’origine, cette obligation devait entrer en vigueur en 2024 pour les grandes entreprises mais cette date a été reportée par la Direction des finances publiques fin juillet 2023 à une date qui sera fixée dans le cadre de la loi de finances pour 2024).
En tout état de cause, l’intervention d’une mission d’audit interne, ou d’un conseil externe, est généralement nécessaire pour refondre efficacement le système de validation de factures.
Les bonnes pratiques à mettre en œuvre en matière de délais de paiement pendant les contrôles
Lorsque qu’une entreprise fait l’objet d’un contrôle de la part d’une direction régionale de la DGCCRF (DREETS), il est essentiel pour l’entreprise contrôlée de dialoguer avec les services de l’Administration afin de présenter ses justifications aux retards de paiement identifiés.
En effet, bien qu’une partie des retards soient souvent dus à des problèmes internes à l’entreprise, certaines factures sont payées en retard pour des raisons juridiquement valables.
A ce titre, les raisons suivantes peuvent permettre de justifier des retards et donc d’obtenir le retrait des factures concernées de l’assiette de l’amende :
- la facture fait l’objet d’un litige justifié
Dans ce cas, l’entreprise doit produire les éléments factuels relatifs au litige afin d’en prouver la matérialité et démontrer que le montant retenu est proportionné à la valeur du litige. - la facture est mal catégorisée
Il peut s’agit, par exemple, de factures considérées par erreur comme étant des factures de transport payables à moins de 30 jours au lieu de 60. - le document est retenu par erreur comme une facture
C’est le cas, par exemple, des avoirs ou des quittances de loyers. - le fournisseur n’a pas rectifié des erreurs en dépit des diligences de l’entreprise cliente
L’entreprise doit alors démontrer que la facture fait l’objet d’une erreur matérielle qui a reporté son paiement (mauvaise entité facturée, défaut d’une mention obligatoire, montant incorrect).
Il arrive par ailleurs que l’Administration écarte d’elle-même certaines factures (telles que les factures intra-groupe).
En revanche, les DREETS refusent généralement les justifications qu’elles considèrent comme non valables d’un point de vue juridique, comme les litiges pour lesquels le montant retenu est disproportionné, le retard d’émission de facture par le fournisseur sans relance de l’entreprise cliente, etc..
En pratique, l’entreprise doit donc s’efforcer de produire un document clair visant à rapprocher les justifications apportées aux factures réglées en retard et pourra utilement présenter des arguments juridiques à l’appui de ses demandes afin d’obtenir le retrait de certaines factures par les DREETS.
Les recours ouverts à l’entreprise sanctionnée
En cas de désaccord persistant à l’occasion du contrôle entre l’entreprise contrôlée et l’Administration, des recours peuvent être présentés par l’entreprise lorsqu’elle reçoit la notification d’amende administrative.
L’entreprise a la possibilité de former un recours gracieux et un recours hiérarchique après notification de la décision de sanction dans un délai de deux mois, le premier dirigé contre la DREETS ayant prononcé la sanction, le second devant le ministre de l’Économie.
L’entreprise a également la possibilité de former un recours devant le tribunal administratif compétent dans les 2 mois de la notification de la sanction (ou dans les 2 mois du refus de l’Administration suite à son éventuel recours gracieux et/ou hiérarchique).