Le 4 septembre 2024, l’administration fiscale française a publié ses commentaires sur les conséquences de la dénonciation des conventions fiscales par le Mali et le Niger, qui les liaient à la France, intervenue le 5 décembre 2023.
Pour mémoire, les gouvernements de transition de la République du Mali et de la République du Niger avaient, par le biais d’un communiqué de presse commun daté du 5 décembre 2023, dénoncé les conventions fiscales qui les liaient à la France (conclues, respectivement, le 22 septembre 1972 et le 1er juin 1965), sur le fondement de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, dont la France n’est pas signataire.
Les gouvernements des deux pays sahéliens avaient motivé leur décision en soulignant notamment le « caractère déséquilibré de ces conventions causant un manque à gagner considérable » pour ces deux pays.
Le 21 juin 2024, dans deux avis publiés au Journal Officiel (JO), la France avait pris acte de ces dénonciations des conventions par le Mali et le Niger.
Dans ces deux nouveaux BOFiP publiés le 4 septembre dernier, l’administration fiscale française s’exprime à son tour sur la date de fin d‘application de ces conventions et ses conséquences.
Des mesures de tolérance favorables aux entreprises (et aux particuliers) affectées par cette dénonciation conjointe, sont également prévues parmi les commentaires de l’Administration.
La date de fin d’application de la convention
Convention fiscale France/Mali
Le gouvernement de transition de la République du Mali a cessé d’appliquer la convention fiscale qui la liait à la France, à compter du 5 mars 2024.
Dans ses commentaires, l’administration fiscale revient sur les conditions de la dénonciation. Conformément aux stipulations de l’article 44 de la convention fiscale, chacun des deux États est en droit de notifier à l’autre partie, dans le premier semestre de chaque année (1er janvier au 30 juin), son intention de mettre fin à la convention. Dans ce cas, la convention cesse de produire ses effets à partir du 1er janvier.
La convention ayant été dénoncée par le Mali au cours du second semestre de l’année 2023, la dénonciation n’aurait dû prendre effet qu’à compter du 1er janvier 2025. Toutefois, l’administration fiscale française vient préciser que côté français, la convention a été suspendue par la France à compter du 5 mars 2024 et a cessé de produire ses effets à compter de cette date, en vertu du principe de réciprocité d’application des accords internationaux (article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958).
Cette suspension concerne tous les articles de la convention. L’administration fiscale française indique également que la fin d’application de la convention fiscale produit des effets différents selon les impositions et les revenus concernés. La convention reste applicable pour les revenus qui ont été acquis jusqu’au 4 mars 2024, même s’ils ont été mis en paiement après cette date. Il en résulte que les revenus acquis à compter du 5 mars 2024, ne sont pas soumis aux dispositions de la convention fiscale.
Les dividendes sont notamment considérés comme acquis avant le 5 mars 2024, si la décision de distribution a été prise avant cette date. Les intérêts, redevances et gains en capital sont réputés acquis avant le 5 mars 2024 pour des périodes échues ou des aliénations survenues avant ces dates (si ces périodes s’étendent au-delà, seules les fractions relatives à des périodes se terminant le 4 mars seront prises en compte, au prorata temporis).
Les revenus d’entreprises restent couverts par la convention, par tolérance, s’ils sont afférents à des exercices ouverts au plus tard le 4 mars et dont la durée ne dépasse pas 12 mois.
Les traitements, salaires, pensions et rentes viagères restent couverts par la convention jusqu’au 30 avril 2024 inclus.
L’Administration fiscale précise enfin que la convention restait applicable pour les revenus perçus, les successions ouvertes et les actes et jugements intervenus avant le 5 mars 2024.
Convention fiscale France / Niger
De son côté, le gouvernement de transition de la République du Niger avait annoncé, que la convention fiscale qui le liait à la France, cessera de s’appliquer dans un délai de 3 mois à compter de la dénonciation, soit le 5 mars 2024.
En vertu du principe de réciprocité (article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958), l’administration fiscale française est venue également préciser que la convention a été suspendue par la France, à compter du 5 juin 2024 et a cessé de produire ses effets à cette date concernant l’ensemble de ses articles.
Similairement aux commentaires sur la dénonciation de la convention fiscale avec la France par le Mali, l’administration fiscale française indique également que la fin d’application de la convention fiscale avec le Niger produit des effets différents selon les impositions et les revenus concernés. Elle précise que la convention restait applicable pour les revenus acquis jusqu’au 4 juin 2024, même s’ils ont été mis en paiement après cette date.
Les dividendes sont considérés comme acquis avant le 5 juin 2024, si la décision de distribution a été prise avant ces dates. Les intérêts, redevances et gains en capital sont réputés acquis avant le 5 juin 2024 pour des périodes échues ou des aliénations survenues avant cette date.
Par tolérance, les revenus d’entreprises restent également couverts par la convention pour les exercices ouverts au plus tard le 4 juin 2024 et dont la durée ne dépasse pas 12 mois.
Les traitements, salaires, pensions et rentes viagères restent couverts par la convention fiscale jusqu’au 31 juillet 2024 inclus.
En ce qui concerne l’imposition des successions, des droits d’enregistrement et de timbre, la convention cesse de s’appliquer aux successions, actes et jugements intervenus à compter du 5 juin 2024.
Les conséquences de la fin d’application des conventions
Dès lors que les stipulations des conventions ne s’appliquent plus, les règles de droit interne sont applicables sans restriction. En conséquence, l’absence de convention fiscale n’affecte pas l’imposition en France des revenus pour lesquels les conventions attribuaient déjà à la France un droit illimité d’imposition.
En revanche, l’imposition de tous les revenus au titre desquels les conventions prévoyaient une exonération en France ou un partage de l’imposition est affectée par la fin de leur application. C’est le cas par exemple des revenus passifs (dividendes, redevances).
En l’absence de convention, les dividendes, redevances, intérêts et revenus d’entreprises (dès lors qu’ils constituent une exploitation autonome, un cycle commercial complet d’activité ou une activité d’agent dépendant) de source française, versés à des résidents du Mali ou du Niger, sont imposables en France dans les conditions de droit commun.
Rappelons que les dividendes faisaient l’objet d’un droit d’imposition partagé, sans plafonnement du taux de retenue à la source, tandis que les conventions prévoyaient, pour les redevances de source française, une exonération de retenue à la source.
Les plus-values réalisées par des résidents maliens ou nigériens lors de la cession d’immeubles ou de droits sociaux en France seront imposables en France dans les conditions de droit commun à compter du 5 mars 2024 pour le Mali et du 5 juin 2024 pour le Niger, en l’absence de convention.
Les retenues à la source auxquelles sont soumis les traitements, salaires et autres revenus d’activité de source française sont applicables dans les conditions de droit commun.
Les pensions et rentes viagères de source française perçues par des résidents maliens ou nigériens seront soumises à l’impôt en France dans les conditions de droit commun.
L’administration fiscale se prononce également de manière similaire, sur l’élimination des éventuelles doubles impositions découlant de la dénonciation de la convention.
S’agissant de la taxation des revenus de source malienne ou nigérienne, perçus par des résidents de France, l’Administration précise également que les crédits d’impôt accordés sur le fondement des conventions sont applicables s’ils ont pour objet l’élimination d’une double imposition au Mali ou au Niger sur des revenus acquis jusqu’au 4 mars 2024 (Mali) ou 4 juin 2024 (Niger), même s’ils ont été mis en paiement après ces dates. Cette tolérance concerne les dividendes et les intérêts.
En revanche, il est bien spécifié que l’imposition malienne ou nigérienne portant sur des revenus acquis à compter du 5 mars 2024 (Mali) ou du 5 juin 2024 (Niger) n’ouvre droit à aucun crédit d’impôt en France. Le BOFiP relatif au Mali précise en plus, que l’imposition malienne portant sur des revenus acquis à compter du 5 mars 2024 n’ouvre également le droit à aucune déduction d’impôt conventionnel en France.
En ce qui concerne les impôts prélevés par le Mali ou le Niger, soit en contradiction avec les stipulations des conventions, ou une fois qu’elles ont cessé de s’appliquer, l’administration fiscale française précise enfin « qu’ils ne donnent pas lieu à l’imputation d’un crédit d’impôt mais pourront être admis en déduction de l’assiette de l’impôt français dans les conditions de droit commun » (BOI-BIC-CHG-40-30 et BOI-RPPM-RCM-20-10-20-60).