QPFC en intégration fiscale : premiers commentaires administratifs

L’Administration vient de publier, pour consultation publique jusqu’au 4 juin inclus, ses premiers commentaires sur la mesure de mise en conformité a minima de la législation française en réponse à l’arrêt « Stéria ». Elle retient une lecture très stricte du texte de loi, sans aucun assouplissement qui pourrait dispenser de mener un contentieux pour les situations non couvertes par les nouvelles dispositions.

On sait que pour éviter l’ouverture d’une éventuelle procédure d’infraction dans le prolongement de la décision rendue par la CJUE dans l’affaire Stéria (CJUE, 2 septembre 2015, aff. C-386/14, Groupe Steria SCA. Voir Stricto sensu Septembre 2015 – N° 77), le Gouvernement français, après bien des hésitations, a adopté, par voie d’amendement dans le cadre de la LFR 2015, une mesure de mise en conformité a minima de la législation française.

Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, le législateur a ainsi supprimé le mécanisme de neutralisation de la quote-part de frais et charges pour les distributions dans l’intégration fiscale et, corrélativement, il a abaissé de 5 % à 1 % le taux de la quote-part de frais et charge en cas de distribution intra-groupe fiscal, ou de distribution perçue par une société membre du groupe fiscal d’une société établie dans un autre Etat de l’UE ou de l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales qui, si elle était établie en France, remplirait les conditions pour être membre de ce groupe, en application des articles 223 A ou 223 A bis du CGI, autres que celle d’être soumise à l’IS en France (Voir Stricto sensu Janvier 2016 – N° 79).

L’Administration vient de publier, pour consultation publique jusqu’au 4 juin inclus, ses premiers commentaires dont on retiendra les deux précisions suivantes s’agissant des distributions effectuées par une société étrangère au profit d’une société intégrée :

  • si la société étrangère doit remplir les conditions spécifiques au groupe auquel appartient la société bénéficiaire des distributions (détention directe ou indirecte à 95 % au moins de manière continue, exercices de douze mois, dates d’ouverture et de clôture communes), elle n’aura toutefois pas à fournir l’accord prévu au premier alinéa du III de l’article 223 A du CGI, que doivent produire les sociétés pour être membres d’un groupe (BOI-ISBASE- 10-10-20 n° 160) ;
  • les distributions versées par une société étrangère, non détenue à 95 % au moins par la société intégrée, mais filiale d’une autre société étrangère qui remplit les conditions pour être « entité mère non résidente » du groupe français, ouvriront droit à la QPFC au taux réduit de 1 % si la société mère française a effectivement formé une intégration horizontale, y compris dans l’hypothèse où le groupe français n’est organisé, en pratique, que selon un schéma d’intégration verticale (BOI-IS-BASE-10-10-20 n° 160).

Exemple : une société mère française M détient à 100 % une filiale intégrée F. Celle-ci détient à 5 % une filiale italienne I, détenue par ailleurs par une société allemande A à 95 %. La société A détient à 100 % la société mère M. Les produits versés par la société italienne I à la société F pourront bénéficier de la QPFC à 1 % seulement si la société M forme avec sa filiale F une intégration horizontale dont A est l’entité mère non résidente.

Pour le reste, l’Administration s’en tient à une lecture stricte du texte sans précisions doctrinales. On déplore notamment qu’elle n’apporte aucun assouplissement ou atténuation pour les :

  • distributions effectuées par une société française détenue à plus de 95 % mais non intégrée (soit qu’il n’existe pas de groupe, soit qu’elle n’ait pas été incluse dans le périmètre) ;
  • redistributions au sein du groupe qui donneront prise à l’application systématique de la quote-part de frais et charges de 1 % à chaque niveau d’interposition ;
  • distributions reçues d’une filiale étrangère détenue à plus de 95 % par une société mère française, qui ne détient pas, par ailleurs, de participations à 95 % en France, et n’est donc pas en mesure de former un groupe intégré.

Pour cette dernière situation, force est de reconnaitre qu’il y a là une restriction manifeste à la liberté d’établissement puisque si les filiales étaient résidentes françaises, la société mère pourrait former avec elles une intégration fiscale et bénéficier ainsi d’une quote-part de frais et charges égale à 1 %, au lieu de 5 %, sur les dividendes versés par ces filiales.

On ne peut que s’étonner que l’Administration n’ait pas prévu une solution permettant d’éviter aux groupes une procédure contentieuse

On ne peut que s’étonner que l’Administration n’ait pas prévu une solution permettant d’éviter aux groupes une procédure contentieuse alors surtout que la justification de cette restriction nous parait bien difficile à apporter si l’on se réfère aux critères tracés par le juge dans l’affaire Stéria et plus récemment encore lorsqu’il a dû se prononcer sur la compatibilité avec le Traité européen d’une disposition du régime d’intégration fiscale autrichien qui restreint la possibilité d’amortir la valeur commerciale d’une société aux seules filiales autrichiennes (CJUE, 6 octobre 2015, aff. C-66/14, Finanzamt Linz).

Le texte de loi a déjà prévu que les dividendes distribués par les filiales étrangères ouvrent droit au taux réduit de la quote-part de frais et charges, si elles remplissent toutes les conditions, autres que celle d’être imposable à l’impôt sur les sociétés, pour rejoindre le groupe constitué en France.

Dans le prolongement de l’esprit du texte, l’Administration aurait été constructive et simplificatrice, si elle avait prescrit, de la même façon, que la société mère qui n’a pas pu prendre de décision de gestion relative à la formation d’une intégration fiscale en France, à défaut de filiales qui remplissent effectivement les critères requis, puisse être regardée comme susceptible d’en former un avec ses filiales étrangères qui en rempliraient les conditions, si elles étaient établies en France.

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Patrick Fumenier

Patrick Fumenier a été avocat associé en charge de développer le knowledge management au sein de Deloitte Société d’Avocats de septembre 2016 jusqu’à son départ du Cabinet en janvier 2020. […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.