La 1re loi de finances rectificative pour 2021 a été définitivement adoptée et publiée au Journal Officiel le 20 juillet 2021.
Modification exceptionnelle temporaire du dispositif de carry-back (art. 1)
Rappel des textes en vigueur :
- Le mécanisme de report en arrière des déficits ou « carry-back » permet la constatation d’une créance d’impôt au titre de l’imputation du déficit constaté à la clôture d’un exercice sur le bénéfice retraité de l’exercice précédent (CGI, art. 220 quinquies)
- Sur la base des textes actuels, l’option pour le carry-back est très encadrée : l’option doit être effectuée lors du dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice déficitaire, le déficit ne peut être imputé que sur le bénéfice de l’exercice précédent et dans un montant maximal de 1 m€ (soit une créance maximale de 333 k€)
- La créance ainsi constatée est, par principe, utilisée pour le paiement de l’IS dû au titre des exercices suivants et est remboursée à défaut d’utilisation à l’issue d’un délai de 5 années
LFR 2021 :
La loi modifie exceptionnellement et temporairement le timing et le montant du carry-back. Ainsi, le texte prévoit que :
- le 1er déficit constaté au titre d’un exercice clos entre le 30 juin 2020 et le 30 juin 2021 peut, sur option, être imputé sur les bénéfices des 3 exercices précédents (2019, 2018 et 2017 pour une entreprise clôturant au 31 décembre)
- ce déficit peut être imputé sans limitation de montant (non-application de la limite de 1m€) ; en revanche, les bénéfices d’imputation doivent être déterminés dans les conditions habituelles (il s’agit du bénéfice fiscal déclaré qui a été soumis à l’IS, à l’exclusion de la fraction de ce bénéfice qui a été distribuée, et de celle qui a donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d’impôt) ;
- l’option peut être effectuée jusqu’à la date limite de dépôt des déclarations de résultats des exercices clos le 30 juin 2021 (soit le 30 septembre 2021)
- le montant de la créance est déterminé en utilisant le taux d’IS applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022 déterminé sur la base du CA de l’exercice au titre duquel l’option est exercée (soit principalement 25 % versus le taux d’impôt applicable à l’exercice bénéficiaire)
Cet aménagement est également transposable aux groupes intégrés au titre du déficit d’ensemble constaté sur la même période (30 juin 2020 – 30 juin 2021).
Cette proposition est en ligne avec les recommandations de la Commission européenne (« Communication sur la fiscalité des entreprises pour le 21e siècle »).
En revanche, la faculté pour les entreprises de demander le remboursement anticipé de leur solde de créances de carry-back, ainsi que des créances qui viendraient à être constatées en 2020, introduite par la 3e LFR 2020 (Loi n°2020-935 du 30 juillet 2020 : qui permettait aux entreprises de faire une demande immédiate de remboursement de l’ensemble leurs créances de carry-back jusqu’à la date limite de dépôt de déclaration de résultat 2020, i.e. sans attendre le délai de 5 ans) n’a pas été renouvelée. Le remboursement dans les conditions de droit commun sera donc applicable. Les entreprises auront cependant toujours la possibilité de monétiser cette créance.
Les entreprises devront déterminer avant le 30 septembre 2021 si une telle option est avantageuse.
Clarification du régime applicable aux aides versées en 2021 en complément du fonds de solidarité (art. 1)
Le texte clarifie le régime fiscal applicable à certaines aides d’urgence accordées dans le cadre de la crise sanitaire versées en 2021 en complément du fonds de solidarité (ex. absence d’exonération d’IR/IS de la prise en charge des coûts fixes ou pertes d’exploitation).
Mise en conformité du prélèvement de l’article 244 bis B (art. 2)
Cette mesure vise à la mise en conformité du prélèvement prévu par l’article 244 bis B du CGI avec le droit de l’Union européenne, aux fins de tirer – partiellement – les conséquences d’une récente décision du CE (CE, 14 octobre 2020, n°421524, Sté AVM International Holding) et de la procédure d’infraction engagée par la Commission européenne quant au sort des OPC étrangers.
Elle prévoit :
1.Restitution partielle du prélèvement de l’article 244 bis B pour les sociétés étrangères
Rappel :
Pour mémoire, le taux du prélèvement de l’article 244 bis B du CGI (en cas de cession de participations substantielles) supporté par une société étrangère est de 26,5 %, alors que le taux effectif d’imposition des PVLT afférentes à des cessions de titres de participation réalisées par une société cédante ayant son siège de direction effective en France est actuellement inférieur à 4 % (QPFC de 12 % sur taux d’IS applicable).
L’Administration a admis, dès 2006, la faculté pour les sociétés UE (ou sises dans un État partie à l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’élimination des doubles impositions comportant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale) d’obtenir, sous conditions, la restitution de la part du prélèvement qui excède l’IS dont elles auraient été redevables si elles avaient été établies en France (BOI-IS-RICI-30-20, n°125 et s.).
Le Conseil d’État a toutefois jugé, fin 2020, qu’il n’appartenait pas à l’administration fiscale de se substituer au législateur pour remédier à l’incompatibilité au regard du droit de l’UE de l’article 244 bis B et, surtout, que cette incompatibilité devait se traduire par une restitution intégrale de l’imposition (CE, 14 octobre 2020, n°421524, Sté AVM International Holding).
LFR 2021 :
Le texte adopté ne permet pas toutefois pas la restitution intégrale de l’imposition, et se borne à légaliser la doctrine administrative, en l’étendant aux sociétés résidentes d’Etats tiers à l’UE
Aussi, il prévoit que les personnes morales ou organisme établis hors de France pourront obtenir la restitution de la part du prélèvement prévue par l’article 244 bis B du CGI excédant l’IS dont ils auraient été redevables s’ils avaient été établis en France :
- Si leur siège social se situe dans un État de l’UE ou dans un autre État partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et n’étant pas non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI
- Ou, sous réserve qu’ils ne participent pas de manière effective à la gestion ou au contrôle de la société dont les titres sont cédés ou rachetés, dont le siège social se situe dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en matière d’échange de renseignements et de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et n’étant pas non coopératif au sens de l’article 238‑0 A du CGI
La mesure s’applique aux cessions ou rachats de droits sociaux et aux distributions réalisés à compter du 30 juin 2021.
2.Exonération du prélèvement de l’article 244 bis B de certains OPC
Sont désormais exonérés du prélèvement prévu à l’article 244 bis B les OPC constitués sur le fondement d’un droit étranger et situés dans un État membre de l’UE ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et n’étant pas non-coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI, qui satisfont aux conditions suivantes :
- Lever des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d’investissement définie, dans l’intérêt de ces investisseurs
- Présenter des caractéristiques similaires à celles d’organismes de placement collectif de droit français relevant de la section 1, des paragraphes 1, 2, 3, 5 et 6 de la sous-section 2, de la sous-section 3 ou de la sous-section 4 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du CMF
- Pour les organismes situés dans un État non-membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ne pas participer de manière effective à la gestion ou au contrôle de la société mentionnée au f du I de l’article 164 B
Il s’agit, là encore, d’une mesure de mise en conformité (mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne le 30 octobre 2020).
Le nouveau dispositif s’applique aux cessions ou rachats de droits sociaux et aux distributions réalisés à compter du 30 juin 2021.
Reconduction de l’exonération de la prime exceptionnelle du pouvoir d’achat (« Pepa » ou « prime Macron ») (art. 4)
La mesure prévoit la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat exonérée d’impôts et de prélèvements sociaux, mise en place en 2018 et reconduite et prolongée à plusieurs reprises en 2020.
Rappel des textes en vigueur :
Pour rappel, cette prime:
- peut être versée par certains employeurs aux salariés dont la rémunération est inférieure à 3 SMIC bruts
- est non imposable (impôts et contributions sociales) dans la limite de 1 000 €
LFR 2021 :
L’exonération d’impôt et de prélèvements sociaux sera applicable aux primes versées entre le 1er juin 2021 et le 31 mars 2022.
En outre et de manière exceptionnelle, le plafond d’exonération est porté à 2 000 € pour les entreprises couvertes par un accord d’intéressement ou ayant conclu un accord de valorisation des travailleurs de la « 2e ligne » face à l’épidémie (ou ayant engagé des négociations pour ce faire)
Il en va de même pour les entreprises de moins de 50 salariés (ainsi qu’aux associations et fondations d’utilité publique), sans condition complémentaire.
Modification de la trajectoire de suppression du tarif réduit de TICPE (art. 7)
Pour mémoire, la 3e LFR 2021 prévoyait la suppression au 1er juillet 2021 des tarifs réduits de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) des carburants utilisés pour le fonctionnement des moteurs qui ne servent pas à la propulsion des véhicules sur les routes, essentiellement en pratique, le gazole non routier (GNR).
Cette hausse des tarifs de TICPE est reportée au 1er janvier 2023.
Prorogation de la mesure de déductibilité des abandons de créances de loyers (art. 8)
Pour mémoire, le dispositif mis en place par la 2e LFR 2020 permettant aux bailleurs de pouvoir déduire les abandons de loyers consentis à une entreprise (en l’absence de lien de dépendance) a été prorogé par la LF 2021. Il s’applique aux abandons de loyers consentis entre le 15 avril 2020 et le 30 juin 2021.
La LFR 2021 prolonge, une nouvelle fois, ce dispositif afin que celui-ci s’applique aux abandons de loyers consentis jusqu’au 31 décembre 2021.
Majoration exceptionnelle du taux de la réduction d’IR au titre des dons effectués au profit des associations cultuelles (art. 18)
Rappel des textes en vigueur :
Par application des dispositions de l’article 200 du CGI, les dons ou subventions ayant un caractère d’intérêt général ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant. La réduction d’impôt vaut notamment pour les dons et versements effectués au profit des associations cultuelles ou de bienfaisance, ainsi que des établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle (CGI, art. 200, I-e).
LFR 2021 :
Le texte modifie temporairement, à la hausse, le taux de cette réduction d’impôt. Celui-ci passe de 66 % à 75 % pour les dons et versements effectués entre le 2 juin 2021 et le 31 décembre 2022 au profit d’associations culturelles ou d’établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle.
Ces versements doivent être retenus dans une limite de 554 € pour les dons effectués au cours de l’année 2021 (limite revalorisée en 2022, dans la même proportion que la 1re tranche du barème de l’IR).
Il est par ailleurs indiqué que ces sommes ne sont pas prises en compte pour la limite de 20 % du revenu imposable dans laquelle les dons et versements sont retenus au titre de l’année d’imposition.
Prorogation du taux majoré à 25 % du dispositif IR-PME (art. 19)
Pour mémoire, les contribuables fiscalement domiciliés en France peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu au titre des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de certaines sociétés non cotées (CGI, art. 199 terdecies-0 A, également dit mécanisme IR-PME).
Ce dispositif a été renforcé dans le cadre de la LF 2018, qui a relevé le taux de la réduction d’impôt de 18 % à 25 % pour les versements effectués jusqu’au 31 décembre 2018. Cette hausse du taux a été prorogée, à plusieurs reprises, pour s’appliquer aux versements effectués jusqu’au 31 décembre 2019 par la LF 2019, puis aux versements effectués jusqu’au 31 décembre 2020 par la LF 2020.
Cependant, le taux majoré de 25 % n’a pu être appliqué qu’à compter du 10 août 2020, après que la France ait reçu l’aval de la Commission européenne (décision C(2020) 4189 final).
Ce taux majoré a été une nouvelle fois prorogé par la LF 2021 (loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020, art. 110). Il est applicable aux versements effectués entre le 9 mai 2021 (date d’entrée en vigueur du décret n°2021-559 du 6 mai 2021 faisant suite à la décision de la Commission européenne autorisant l’application du taux majorée de 25 % pour 2021 – C(2021) 2123 final du 31 mars 2021) et le 31 décembre 2021.
La LFR 2021 vient proroger jusqu’au 31 décembre 2022 l’application du taux majoré de 25 %, afin d’assurer son application sans interruption en 2022 (dans l’attente de l’aval de la Commission européenne).
On notera que la prolongation en 2022 de ce taux majoré s’appliquera également à la réduction d’impôt pour investissements dans les sociétés foncières solidaires visées à l’article 199 terdecies-0 B du CGI.
Dégrèvement de TFPB pour les discothèques (art. 21)
Un mécanisme de dégrèvement de TFPB au titre de l’année 2021 est accordé aux locaux utilisés par les discothèques (« locaux utilisés par les établissements ayant fait l’objet d’une fermeture administrative continue entre le 15 mars 2020 et le 8 juillet 2021 » – en pratique, seules les discothèques sont donc concernées) et dont les propriétaires ont accordé une remise totale de loyers au titre de 2020.
Cette mesure sera applicable sous réserve d’une délibération prise par les communes et groupements de communes à fiscalité propre, prise au plus tard le 1er octobre 2021.
Le bénéfice du dégrèvement sera, en outre, subordonné, à la souscription d’une déclaration par le propriétaire avant le 1er novembre 2021, accompagnée des éléments permettant de justifier de la remise des loyers et de l’utilisation des locaux comme discothèque.
Enfin, cette mesure est subordonnée au respect des règles applicables en matière de législation européenne relative aux aides de minimis.
Prolongation de l’octroi de la garantie de l’État au titre des PGE (art. 23)
Pour faire face au choc économique lié à la crise du coronavirus, le Gouvernement a mis en œuvre un dispositif exceptionnel de garanties permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises.
La période durant laquelle les PGE peuvent être octroyés est prolongée de 6 mois, ainsi, la possibilité pour les entreprises éligibles de souscrire un PGE est étendue au 31 décembre 2021.
Le texte vient également clarifier certaines caractéristiques de la garantie de l’État et des recettes de gestion couvertes par le dispositif.
Adaptation à la reprise de l’activité des mesures concernant les cotisations et contributions sociales des entreprises et des travailleurs indépendants (art. 25)
La LFR prolonge les aides au paiement des cotisations sociales pour les employeurs (moins de 250 salariés) et travailleurs indépendants de certains secteurs particulièrement affectés par la crise, à hauteur de 15 % de la masse salariale sur 3 mois – juin, juillet, août. Notons que le critère de seuil minimum de perte de chiffre d’affaires est supprimé.
Si cela s’avère nécessaire, le Gouvernement aura la faculté de prolonger ces mesures jusqu’au 31 décembre 2021. Les artistes-auteurs satisfaisant à une condition de baisse des revenus tirés d’activités artistiques en 2021 – par rapport à leurs revenus de 2019 – pourront bénéficier d’une réduction des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables au titre de l’année 2021. Un décret viendra préciser les conditions d’éligibilité à cette réduction.
Par ailleurs, la LFR 2021 aménage temporairement les délais et les modalités du recouvrement des régimes obligatoires de sécurité sociale :
- Tout acte de recouvrement qui aurait dû être émis entre le 2 juin 2021 et le 30 juin 2022 pourra être valablement émis dans un délai d’un an à compter de cette date
- A compter du 19 juillet 2021 et jusqu’au 30 juin 2022, un récapitulatif des dettes pourra se substituer à l’envoi de la mise demeure prévue à l’article L. 244-2 du Code de la sécurité sociale
Prolongation du fonds de solidarité (art. 28)
L’État et les régions ont mis en place depuis le début de la crise sanitaire un fonds de solidarité visant à prévenir la cessation d’activité des entreprises les plus touchées par les conséquences économiques de la Covid-19. Il est ouvert aux petites entreprises, micro-entrepreneurs, indépendants et professions libérales.
Le fonds de solidarité est prolongé jusqu’au 31 août 2021.
Par ailleurs, la LFR prévoit la possibilité pour le Gouvernement de prolonger, si la situation l’exige, le dispositif au-delà du 31 août 2021 par décret pour une durée maximum de 4 mois, soit jusqu’au 31 décembre 2021 au plus tard (organisation de son extinction progressive).