Loi Climat et résilience : les modes de consommation et l’alimentation

Il est indiscutable que les habitudes de consommation ont un fort impact sur l’environnement. Rien d’étonnant dès lors qu’un certain nombre de nouvelles mesures se retrouvent en droit de la consommation. L’objectif est alors, notamment, de renforcer les obligations d’information des consommateurs pesant sur les professionnels et d’encadrer plus strictement la publicité. L’objectif étant d’agir sur les comportements, il n’est donc pas étonnant que le levier du Droit de la concurrence soit également utilisé.

Le levier du Droit de la consommation

Une innovation des plus notables est la création d’une « étiquette environnementale » visant à informer les consommateurs sur l’impact des produits et services disponibles sur le marché. D’abord en phase expérimentale, cet « éco-score » sera ensuite uniformisé et rendu obligatoire, prioritairement pour le secteur textile.

L’objectif poursuivi vise à renforcer la protection des consommateurs, notamment par l’information qui leur est transmise sur les caractéristiques « écologiques » des biens et services qui leur sont proposés. Il s’agit également d’influencer l’acte de consommation au travers d’une plus grande sensibilisation.

La Loi prévoit ainsi un certain nombre de mesures en ce sens, et notamment :

  • l’obligation pour les opérateurs économiques d’afficher les impacts environnementaux (par voie de marquage, d’étiquetage ou par tout autre procédé adapté) de leurs biens et services sur l’ensemble de leur cycle de vie (Article 2 de la Loi). Un décret devra fixer la liste des catégories de biens et de services pour lesquelles l’affichage environnemental sera rendu obligatoire, après une phase d’expérimentation, qui visera en premier lieu les secteurs du textile d’habillement, des produits alimentaires, de l’ameublement, de l’hôtellerie et des produits électroniques.
  • l’obligation pour l’ensemble des espaces de vente de denrées alimentaires d’une superficie supérieure à 400 m² de mettre à la disposition des consommateurs, tout au long de l’année, une information claire et lisible relative à la saisonnalité des fruits et légumes frais qu’ils proposent à la vente (Article 277 de la Loi).

Tout manquement à ces deux obligations d’affichage sera passible d’une amende administrative pouvant atteindre 15.000 € pour les personnes morales.

De manière un peu pointilliste, diverses dispositions portent sur le recyclage ou l’encadrement des pratiques agro-alimentaires :

  • Pour développer la vente en vrac, les grandes et moyennes surfaces (de plus de 400 m² de vente) devront d’ici 2030 consacrer au vrac 20% de leur surface de vente.
  • Un observatoire du réemploi et de la réutilisation, qui devra proposer une trajectoire nationale, est institué.
  • À la suite de l’expérimentation introduite par la loi EGalim de 2018, les cantines scolaires publiques et privées devront proposer dès la rentrée 2021 un menu végétarien hebdomadaire. À partir de 2023, les cantines de l’État et des universités offrant un choix de menus multiples devront proposer une option végétarienne quotidienne.
  • Concernant enfin plus précisément les pratiques agricoles, une trajectoire annuelle de réduction des émissions dues aux engrais azotés sera définie par décret et un plan d’actions mis en place avec le déclenchement d’une taxe à partir de 2024 si les objectifs ne sont pas tenus.

Dans le même objectif de protection renforcée du consommateur, la Loi vient encadrer plus strictement la publicité à destination de ces derniers, avec notamment :

  • la précision par le législateur des dispositions sanctionnant les publicités trompeuses sur l’origine d’un produit, le caractère trompeur étant désormais apprécié notamment au regard des règles justifiant l’apposition de mentions telle que « fabriqué en France », ou « origine France » ou de toute mention, signe ou symbole équivalent sur l’origine non préférentielle des produits (Article 4 de la Loi).
  • les allégations, indications ou présentations trompeuses sur l’impact environnemental d’un bien ou d’un service sont désormais expressément visées au titre des pratiques commerciales trompeuses (Article 10 de la Loi).
  • l’encadrement de la publicité des produits ayant un « impact excessif » sur le climat. Ainsi, seront notamment interdites à compter de 2022 les publicités en faveur des énergies fossiles (sauf carburants dont le contenu en énergie renouvelable est réputé supérieur ou égal à 50%) et des véhicules particuliers neufs les plus polluants. Le législateur a également prévu un encadrement des publicités pour certains biens et services ayant un fort impact environnemental (avec par exemple l’obligation de communication d’une information synthétique sur leur incidence écologique) ou celles contenant des allégations publicitaires relatives à la « neutralité carbone ». 
  • l’interdiction à titre expérimental pour une durée de 3 ans de la distribution à domicile de prospectus publicitaires « non adressés », soit lorsque l’autorisation de les recevoir ne fait pas l’objet d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres ou le réceptacle du courrier (Article 21 de la loi Climat). Il s’agit, à l’échelon local, d’un dispositif appelé « Oui pub » qui va être expérimenté sur les boîtes aux lettres dans des collectivités locales volontaires et les maires pourront également encadrer les écrans publicitaires dans les vitrines, dès 2021.

Le levier du Droit de la concurrence

Sur le terrain de la régulation concurrentielle et de l’urbanisme, la Loi renforce le régime de l’autorisation d’exploitation commerciale.

Ainsi, les commissions départementales d’aménagement commercial (« CDAC ») devront prendre en compte un nouveau critère pour délivrer une autorisation d’exploitation commerciale à un projet d’implantation ou d’extension d’un magasin de plus de 10 000 m2, et ne pourront plus en principe – sauf dérogation – autoriser un tel projet si celui-ci engendre une artificialisation des sols (Article 215 de la Loi).

La Loi prévoit également une ouverture à la concurrence du marché des pièces détachées dites « visibles » dans le secteur automobile, jusqu’alors protégées au titre du droit des dessins et modèles, ainsi que du droit d’auteur (Article 32 de la Loi). Cette ouverture progressive alignera la France sur les législations déjà adoptées par une dizaine d’Etats européens à ce jour.

 

Photo d'Arnaud Raynouard
Arnaud Raynouard

Professeur des Universités à l’Université Paris-Dauphine, Arnaud Raynouard anime le Comité Scientifique Juridique du cabinet Deloitte Société d’Avocats. Agrégé en droit privé et sciences criminelles, et diplômé en gestion, Arnaud […]