Le 25 mai dernier, la chambre commerciale de la cour de cassation a prononcé une décision qui modifie la matrice du conseil apporté en termes de conception d’une stratégie de transmission sous bénéfice du « pacte Dutreil ».
Aux termes de la dernière version de la doctrine administrative, publiée le 21 décembre 2021, le bénéfice de l’exonération partielle des droits sur la transmission, fondé sur la mise en place d’un Pacte Dutreil, tenait à l’appréciation tout au long de la durée des engagements de conservation (soit généralement 6 ans) du caractère éligible de l’activité exercée par la société concernée.
Cette position administrative avait toutefois conduit les praticiens à s’interroger sur sa portée dès lors que le texte légal, codifié à l’article 787 B du Code Général des Impôts, n’introduit aucune notion de durée pour apprécier la condition d’activité éligible exercée.
Un arrêt qui retient une lecture littérale de la loi
Or, par un arrêt du 25 mai 2022, la Chambre commerciale de la Cour de cassation revient sur cette interprétation, en prononçant une décision qui modifie la matrice du conseil et privilégie une appréciation littérale du texte légal en écartant une appréciation dans le temps de l’activité exercée par une société holding animatrice dont les titres sont transmis. Elle refuse ainsi d’ajouter une condition qui n’est pas expressément prévue par le texte légal.
Là où l’arrêt de la cour d’appel de Rennes s’attachait à l’esprit du texte et estimait que « le bénéfice de l’avantage fiscal accordé par ce texte ne peut se concevoir, au regard de l’objectif fixé par le législateur, et, sauf à vider la loi de sa substance, que si ladite société conserve, pendant la durée exigée, sa fonction d’animation d’un groupe formé de filiales », la Cour de cassation choisit sa lettre et juge que « en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé. »
Cet arrêt semble donc s’inscrire dans le sens esquissé par la chambre commerciale si l’on se fie à certains indices présents dans un arrêt du 14 octobre 2020, n°18-17.955, lequel apportait une importante précision en indiquant que le caractère principal de l’activité d’animation de groupe doit être retenu notamment « lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total ».
Un arrêt qui doit s’interpréter avec prudence
Le cas d’espèce de l’arrêt du 25 mai 2022 présente un heureux dénouement pour le contribuable qui, ayant hérité d’un groupe familial, n’a pas pu maintenir l’activité de holding animatrice postérieurement à la transmission par la cession des filiales animées pendant la période de conservation des titres faisant perdre à ladite holding son caractère éligible.
Néanmoins, selon notre appréciation, cet arrêt ne peut être transposé à d’autres situations qu’avec la plus grande prudence. En effet, à l’aune de la jurisprudence et de la doctrine fiscale, il est nécessaire d’encourager au maintien de l’activité éligible et donc du caractère animateur dans la durée.
L’abondante jurisprudence rendue par la chambre commerciale au cours de l’année 2021 a posé les jalons des critères de la holding animatrice, laquelle ne peut être éphémère.
D’une part, son antériorité est nécessaire à l’éligibilité de la holding animatrice aux dispositifs de faveur (Une société holding « potentiellement » animatrice n’est pas animatrice), d’autre part, elle s’inscrit nécessairement dans la durée puisque son objet est de définir une politique de groupe, laquelle s’apprécie généralement sur le long terme (Pacte Dutreil et holding animatrice – prenez garde aux clauses de style !).
Par un tel arrêt prenant le contrepied à la doctrine de l’administration fiscale, la Cour de Cassation interpelle indirectement le législateur qui pourrait être enclin à légiférer pour mieux préciser les contours de l’appréciation de la condition d’activité dans le temps.
Avant toute velléité du législateur en ce sens, on peut noter la question posée par Monsieur le Sénateur Mickaël VALLET le 30 juin dernier qui interroge déjà le gouvernement consécutivement à cet arrêt sur ses intentions « pour éviter le dévoiement du dispositif à des fins d’optimisation fiscale dépourvue de justification économique ».
Une modification législative à venir ou un risque d’application de la procédure de répressions de l’abus de droit ne peut ainsi qu’inciter les contribuables à faire preuve de prudence pour les opérations à venir.