PLF 2022 : TVA

Le PLF 2022 a été adopté définitivement mercredi 15 décembre 2021. Toutefois, le texte ne sera véritablement stabilisé qu’à l’issue de l’examen de constitutionnalité, initié par les parlementaires le 16 décembre dernier.

Nous vous signalons les mesures les plus significatives et vous tiendrons au courant en cas de sanction du Conseil Constitutionnel (qui devra en tout état de cause se prononcer avant le 31 décembre).

 

N’hésitez pas à consulter nos autres analayses des mesures les plus marquantes du PLF 2022 :

 

 

Assouplissement des conditions d’exercice de l’option à la TVA sur les services bancaires et financiers (art. 30)

Nous remercions Anne Gerometta et Robin Maubert de leur analyse.

L’actuel article 260 B du CGI permet aux assujettis qui réalisent à titre habituel des opérations bancaires et financières exonérées, visées à l’article 261 C,1° du CGI, d’opter pour la TVA. L’option à la TVA permet ainsi à celui qui l’exerce de bénéficier d’un droit à déduction de la TVA d’amont et impacte favorablement le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires. Elle génère toutefois une facturation de TVA qui peut se révéler économiquement désavantageuse par rapport à l’exonération, selon notamment que les clients récupèrent ou non la TVA.

Dans le régime actuel, l’option, exercée pour une durée minimale de 5 ans, s’applique de manière globale à l’ensemble des opérations bancaires et financières réalisées par l’assujetti, à l’exclusion de certaines opérations expressément exclues du champ de l’option par la loi (CGI, art. 260 C) qui demeurent obligatoirement exonérées (c’est le cas, par exemple, des intérêts, agios et rémunérations assimilées). 

La LF 2022 prévoit un assouplissement de ce dispositif afin de le mettre, selon l’exposé des motifs, en conformité avec le droit de l’UE. L’option, aujourd’hui globale, devient sélective. Ainsi, l’assujetti peut choisir d’appliquer l’option opération par opération. Aux termes de l’article 9, 4° de la LF, la nouvelle rédaction de l’article 260 B du CGI prévoit que « l’assujetti qui a exercé l’option l’applique aux seules opérations qu’il détermine. »

Cette modification du régime d’option fait écho à la décision du Conseil d’État dans l’affaire « EMO » (9 septembre 2020, n°439143) qui, en matière de location immobilière, a jugé que l’option TVA peut être exercée local par local et non pas obligatoirement par immeuble, comme le prévoyait la doctrine administrative.

Transposée au domaine des services financiers, cette évolution favorable devrait ouvrir la voie à une gestion considérablement plus fine et sur-mesure des rémanences de TVA.

À défaut de précision dans le texte, cette nouvelle rédaction de l’article 260 B entre en vigueur au 1er janvier 2022.

À titre de rappel, l’option prend effet à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel elle est formulée auprès du service des impôts.

Livraisons de biens : Exigibilité de la TVA avancée à la date du versement des acomptes (art. 30)

Rappel

Le a) du 2 de l’article 269 du CGI, dans sa version actuelle, fixe l’exigibilité de la TVA due au titre des livraisons de biens à la date à laquelle elles sont effectuées.

Ainsi, en France, à la différence des services, le versement d’acomptes pour des livraisons de biens ne déclenchait pas, jusqu’à présent, l’exigibilité de la TVA.

Dans un arrêt en date du 28 mai 2021 (CAA de NANTES, 1re chambre, 28/05/2021, 19NT03579, Technitoit), la CAA de Nantes a considéré que la requérante était fondée, sur la base de l’interprétation de l’article 65 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 retenue par la Cour de justice de l’Union européenne, notamment dans ses arrêts Firin OOD du 13 mars 2014 (aff. C-107/13) et Kollross et Wirtl du 31 mai 2018 (aff. C-660/16 et C-661/16), à opérer la déduction de la TVA relative à une livraison de biens au titre du mois du versement de l’acompte et à hauteur de ce dernier.

La directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA prévoit en effet, en son article 65, qu’en cas de versements d’acomptes avant que la livraison de biens ou la prestation de services ne soit effectuée, la taxe devient exigible au moment de l’encaissement, à concurrence du montant encaissé.

LF 2022

Le législateur, prenant acte de l’incompatibilité du a) du 2 de l’article 269 du CGI avec le droit de l’UE, réécrit cette disposition en prévoyant désormais que, pour les livraisons de biens donnant lieu au versement préalable d’un acompte, la TVA devient exigible au moment de son encaissement, à concurrence du montant encaissé.

Cette modification, dictée par la volonté du législateur de se mettre en conformité avec l’article 65 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 précitée, permettra aux entreprises de déduire la TVA plus rapidement. Corrélativement, les fournisseurs doivent désormais collecter la TVA sur leurs acomptes en l’indiquant sur leurs factures d’acompte.

Cette nouvelle disposition entre en vigueur le 1er janvier 2023 et s’applique aux acomptes encaissés à compter de cette date.

Représentation fiscale et intermédiaires représentant les assujettis établis hors de l’UE dans le cadre des VAD-BI : De nouvelles exigences aux fins d’accréditation (art. 30)

Rappel

En application du I de l’article 289 A du CGI, lorsqu’une personne non établie dans l’Union européenne est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou doit accomplir des obligations déclaratives, elle est tenue de faire accréditer auprès du service des impôts un représentant assujetti établi en France qui s’engage à remplir les formalités incombant à cette personne et, en cas d’opérations imposables, à acquitter la taxe à sa place.

Jusqu’à présent, l’accréditation d’un représentant fiscal établi en France dépendait uniquement de sa bonne moralité fiscale au jour de la demande d’accréditation (i.e. ponctualité dans le respect de ses obligations déclaratives et dans le paiement de l’impôt).

LF 2022

Seules peuvent désormais être accréditées les personnes remplissant les conditions suivantes :

  • Ne pas avoir commis d’infractions graves ou répétées aux dispositions fiscales, ne pas avoir fait l’objet des sanctions prévues par les articles L. 651‑2L. 653‑2 et L. 653‑8 du Code de commerce au cours des trois années qui précèdent et ne pas avoir fait l’objet d’une mesure d’interdiction en cours d’exécution prévue par l’article L. 653‑8 du même Code ;
  • Disposer d’une organisation administrative et de moyens humains et matériels lui permettant d’assurer sa mission de représentation ;
  • Disposer d’une solvabilité financière en relation avec ses obligations de représentant ou d’une garantie financière à hauteur d’un quart des sommes nées de ces obligations, qui résulte d’un engagement de caution pris par une société de caution mutuelle, un organisme de garantie collective, une compagnie d’assurance, une banque ou un établissement financier habilité à donner caution.

Pour les accréditations délivrées avant le 1er janvier 2022, cette dernière condition tenant à la solvabilité financière est applicable à compter du 1er janvier 2024 (le législateur souhaitant laisser le temps aux représentants bénéficiant déjà d’une accréditation de mettre en œuvre ces obligations dans de bonnes conditions).

Ces conditions sont également exigées pour l’accréditation des intermédiaires visés au 2° du A du I de l’article 298 sexdecies H du CGI, désignés par un assujetti établi dans un État tiers n’ayant pas conclu d’accord en matière d’assistance mutuelle avec l’Union.

Le législateur prévoit le retrait de l’accréditation lorsque le représentant cesse de remplir les conditions mentionnées ci-dessus ou lorsqu’il ne respecte pas les obligations déclaratives et de paiement des taxes qui lui incombent pour le compte des personnes qu’il représente ou pour son compte propre.

Mesures diverses (art. 30)

Parmi toutes les mesures TVA, sont également à noter :

  • L’instauration d’une exonération de TVA, sous conditions, des livraisons de biens et des prestations de services (article 262-00 bis du CGI) :
    • effectuées dans le cadre des relations diplomatiques et consulaires,
    • réalisées au profit de l’Union européenne, la Communauté européenne de l’énergie atomique, la Banque centrale européenne, la Banque européenne d’investissement et certains organismes créés par l’UE,
    • destinées à d’autres organismes internationaux,
    • effectuées à destination des forces armées,
    • effectuées à destination des forces armées du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande stationnées sur l’île de Chypre,
    • destinées à la Commission européenne ou à une agence ou à un organisme créé en vertu du droit de l’Union.

Une telle exonération étant mise en œuvre au moyen d’une procédure de remboursement lorsque les biens ne sont pas expédiés hors de France ou que les services sont exécutés en France.

Les importations de biens dont la livraison serait exonérée en application de ce nouvel article 262-00 bis sont également exonérées (article 291, IV du CGI) ;

  • Pour les livraisons de biens ou les prestations de services effectuées en lien avec un bon à usages multiples, la précision selon laquelle, en l’absence d’information sur la contrepartie payée en échange du bon, la base d’imposition est constituée par la valeur monétaire indiquée sur le bon ou dans la documentation correspondante (article 266, 1-a bis du CGI) ;
  • L’application du taux de 5,5 % aux « denrées alimentaires destinées à la consommation humaine, les produits normalement destinés à être utilisés dans la préparation de ces denrées et les produits normalement utilisés pour compléter ou remplacer ces denrées» (les exceptions demeurant identiques), l’idée du législateur étant d’appliquer ce taux à l’ensemble des produits destinés à l’alimentation humaine tout au long de la chaîne de production (article 278-0 bis, A-1° du CGI). Ce même principe étant repris s’agissant de l’application du taux de 10 % aux denrées destinées à la consommation animale ;
  • L’extension du taux de 5,5 % aux appareillages, matériels et équipements pour handicapés bénéficiant du forfait de prise en charge prévu à l’article L. 165-1-1 du Code de la sécurité sociale pour les produits innovants ou de la prise en charge transitoire prévue par l’article L. 165-1-5 du même Code (article 278-0 bis A, 2°-g du CGI) ;
  • L’abrogation de l’article 289 C du CGI, relatif à la déclaration des échanges de biens entre États membres de la Communauté européenne, le but affiché étant d’instaurer une plus grande séparation entre la collecte des données fiscales (i.e. déclaration des états récapitulatifs de clients pour les besoins de la TVA) et la collecte des données statistiques. A cet effet, des précisions sont apportées à l’article 289 B du CGI, lequel précise notamment, en son IV, que l’état récapitulatif est transmis par voie électronique et que les documents nécessaires à leur établissement doivent être conservés pendant un délai de 6 ans. De la sorte, en remplacement de la DEB, sont créées 2 déclarations distinctes : l’enquête statistique pour le volet douanier, qui ne relève plus du CGI, et l’état récapitulatif, qui relève de l’article 289 B du CGI. Il est à anticiper que ces modifications impliquent des aménagements dans les systèmes d’information, au regard de la préparation des états de reporting permettant de remplir ces déclarations.

Facturation électronique : Ratification de l’ordonnance du 15 septembre 2021 (art. 93)

Pour mémoire, l’article 195 de la LF 2021 a habilité le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, toute mesure nécessaire permettant la généralisation du recours à la facturation électronique et la mise en œuvre d’une obligation de transmission dématérialisée de certaines données à l’administration fiscale. L’ordonnance a été publiée au JO du 15 septembre 2021- avec une entrée en vigueur au 1er juillet 2024 pour les grandes entreprises .

La LF 2021 exigeait toutefois qu’un projet de loi de ratification soit déposé devant le Parlement dans un délai de 3 mois à compter de la publication de cette ordonnance.

La LF 2022 procède ainsi à la ratification requise (nb : ratification purement formelle, sans modification aucune de l’ordonnance).

Aménagement de l’amende pour défaut de facturation (art. 142)

Rappel

Pour mémoire, l’article 1737, I, 3 du CGI sanctionne les professionnels ne respectant pas l’obligation de délivrance d’une facture à leurs clients (notamment en vertu des dispositions des article 289 du CGI, et 242 nonies et 242 undecies de l’annexe II au CGI), d’une amende égale à 50 % du montant de la transaction. Le client est solidairement tenu au paiement de cette amende.

Notons toutefois que lorsque le fournisseur apporte dans les 30 jours d’une mise en demeure, la preuve que l’opération a été régulièrement comptabilisée, l’amende est réduite à 5 %.

Le Conseil Constitutionnel a déclaré cette amende contraire à la Constitution en ce qu’elle méconnaît le principe de proportionnalité des peines (décision n°2021-908 du 26 mai 2021).

En revanche, il a différé au 31 décembre 2021 les effets de cette déclaration d’inconstitutionnalité, considérant qu’une abrogation immédiate des dispositions contestées entraînerait des « conséquences manifestement excessives ».

LF 2022

La LF 2022 tire les conséquences de cette décision.

L’amende de 50 % ne s’applique désormais que dans l’hypothèse où la facture ne serait pas délivrée et où la transaction ne serait pas comptabilisée. Elle est, en tout état de cause, plafonnée à 375 000 € par exercice. S’il s’avère que la transaction a été comptabilisée, l’amende est réduite à 5 % et plafonnée à 37 500 €.

Cet aménagement s’applique, en cohérence, à compter du 1er janvier 2022.

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Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.