Le Parlement européen a dévoilé le 18 janvier 2024 ses amendements au projet de directive BEFIT, déposés devant la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen pour discussion.
Pour mémoire, la proposition de Directive dite « BEFIT » (Business in Europe : Framework for income taxation), vise à instaurer un nouveau cadre pour la fiscalité des entreprises dans l’UE, avec un corpus réglementaire unique en matière d’impôt sur les sociétés, reposant sur une assiette commune et une méthode de répartition forfaitaire des résultats, qui se substituerait à la précédente proposition « ACCIS ».
Le projet de directive publié le 12 septembre 2023, par la Commission européenne, prévoit une consolidation fiscale obligatoire pour les grands groupes internationaux, regroupant les entités localisées au sein de l’UE et détenues à plus de 75 %. Le résultat imposable du groupe serait déterminé à partir du résultat en normes consolidées de chacune des entités membres, avant d’être soumis à de nombreux ajustements, puis une quote-part de ce résultat fiscal serait allouée à chacune des entités membres du groupe BEFIT selon une clef spécifique, afin de donner lieu au paiement de l’IS dans chacun des EM de l’UE (voir TLS 749 pour une analyse détaillée).
Le 18 janvier dernier, le Parlement a publié la liste des amendements déposés sur le projet de texte, déposés devant la Commission des affaires économiques et monétaires pour discussion. La Commission devrait se prononcer sur ces amendements le 4 mars prochain. Le vote du Parlement européen sur le projet de directive est attendu le 10 avril.
Rappelons que si, en matière fiscale, le Parlement européen doit être consulté dans le cadre du processus d’adoption des directives, ni l’avis formulé, ni les éventuels amendements proposés, ne sont juridiquement liants pour le Conseil de l’UE, auquel il incombe d’adopter formellement et définitivement les propositions de directives.
Nous vous proposons de faire le point sur quelques-uns des amendements les plus significatifs.
Sur le champ d’application
Le projet de directive dévoilé en 2023 prévoit un champ d’application différencié selon la taille des groupes (art. 5) :
- Application obligatoire pour les groupes dont la société mère ultime est résidente dans un pays de l’UE réalisant un chiffre d’affaires consolidé d’au moins 750 m€ (au titre d’au moins 2 exercices sur les 4 derniers – seuil similaire à la Directive Pilier 2), mais seulement à raison des entités/ES du groupe établis au sein de l’UE et détenus à au moins 75 % par l’entité mère ultime.
- Application obligatoire pour les groupes dont la société mère ultime est résidente dans un pays hors de l’UE réalisant un chiffre d’affaires consolidé d’au moins 750 m€ (au titre d’au moins 2 exercices sur les 4 derniers – seuil similaire à la Directive Pilier 2), seulement à raison des entités du groupe établies au sein de l’UE et détenues à au moins 75 % par l’entité mère ultime et à condition que le chiffre d’affaires réalisé par les entités/ES du groupe établis dans l’UE soit au moins égal à 50 m€ (au titre au moins de 2 exercices sur les 4 derniers) OU représente plus de 5 % du chiffre d’affaires total du groupe au niveau mondial.
- Application sur option aux groupes de taille inférieure aux seuils sous réserve d’établir des états financiers consolidés.
Plusieurs amendements du Parlement proposent d’amender ce champ d’application :
- Certains amendements visent à porter le seuil de CA de 750 m€ à 1 Md€ ;
- D’autres, au contraire, à l’abaisser à 40 m€ ;
- Enfin, certains proposent de supprimer toute application obligatoire de la directive BEFIT et de ne lui conférer qu’un caractère optionnel.
Sur les modalités d’allocation de l’assiette imposable entre les différents Etats membres de l’UE
Le résultat fiscal du groupe aux bornes de l’UE serait composé de la somme des résultats fiscaux des différentes entités du groupe. De la sorte, les pertes fiscales des membres du groupe BEFIT seraient imputables sur les bénéfices des autres membres du même groupe (possible consolidation des pertes transfrontières).
Lorsque le résultat fiscal BEFIT de l’ensemble du groupe est positif, cette assiette imposable serait ensuite répartie entre chacun des membres du groupe BEFIT, selon une clef d’allocation proportionnelle au résultat fiscal de l’entité par rapport au résultat fiscal BEFIT du groupe.
La clef d’allocation actuellement prévue par le projet de texte aurait vocation à s’appliquer de manière temporaire, l’objectif étant, à terme, de la remplacer par une formule de calcul plus élaborée (demandant un consensus des EM).
Ainsi, à titre transitoire, pour les exercices ouverts entre le 1er juillet 2028 et le 30 juin 2035, l’allocation serait déterminée sur la base de la moyenne des résultats imposables de l’entité considérée au titre des 3 exercices précédents/moyenne du résultat imposable du groupe BEFIT au titre des 3 exercices précédents x 100 (art. 45).
Au titre des 3 premières années d’application des règles BEFIT, les résultats fiscaux pris en compte sont en partie ceux issus de l’application des règles fiscales nationales, en partie ceux issus des règles BEFIT. A compter de la 4e année, seuls les résultats fiscaux BEFIT sont pris en compte.
Un certain nombre d’amendements du Parlement européen envisagent la suppression du caractère temporaire de la clef d’allocation actuellement prévue par le texte, au profit de la création d’une clef d’allocation « définitive » qui aurait vocation à s’appliquer immédiatement.
A l’inverse, certains amendements sont favorables au maintien d’une période de transition, et souhaitent que celle-ci perdure jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention multilatérale pour la mise en œuvre du montant A du Pilier 1. L’objectif étant, à terme, d’allouer la base d’imposition BEFIT conformément aux règles de répartition des bénéfices définies dans la convention multilatérale relative au Pilier 1.
Sur le calendrier
Si adoptée, la directive BEFIT devrait être transposée par les EM avant le 1er janvier 2028, pour une application à compter du 1er juillet 2028 (art. 78).
On relèvera que si certains amendements du Parlement prévoient d’avancer la date de transposition de la directive BEFIT au 1er janvier 2026, d’autres proposent, au contraire, de la reculer au 1er janvier 2030 (pour une première application au 1er juillet 2030).