Skandia America Corporation

Une succursale de société étrangère ne pourrait, indépendamment de cette dernière, être admise dans un groupement TVA constitué dans l’Etat membre dans lequel cette succursale est établie. C’est, du moins, l’avis de l’avocat général saisi de l’affaire « Skandia » (C-7/13) que devra juger la Cour dans un calendrier encore à définir (a priori septembre 2014 si l’on retient un délai moyen de 3 à 4 mois à compter de la publication des conclusions en date du 8 mai).

Avant d’indiquer les conséquences TVA d’une telle analyse, rappelons les faits, qui étaient assez classiques dans le secteur financier et assurantiel où les opérateurs ne récupèrent généralement pas la TVA.

Skandia America Corporation (Skandia US) est une société de droit US disposant d’une succursale en Suède. Skandia US assumait au niveau mondial la fonction d’achats des services informatiques du groupe. Ces services étaient acquis à l’extérieur et redistribués à diverses sociétés ou succursales du groupe, dont la succursale suédoise. La succursale suédoise était enregistrée en Suède comme membre d’un groupement TVA suédois. Son activité consistait à transformer les services informatiques fournis par Skandia US en produits finaux distribués ensuite aux sociétés du groupe, membres ou non du groupement TVA. Un mark-up de 5% était ajouté au prix à chaque fourniture de services, que ce soit au niveau de Sandia US qu’au niveau de sa succursale suédoise.

 

  • d’une part, un mécanisme de non-imposition à la TVA des flux siège – succursale (suivant la jurisprudence de la CJUE « FCE Bank », C-210/04) aboutissant à ne pas soumettre à la TVA le flux de revente des services par Skandia US au profit de sa succursale suédoise (flux n°2);
  • d’autre part, un mécanisme de non-taxation des prestations rendues au sein du groupement TVA, aboutissant à ne pas soumettre à la TVA les services de production informatique de la succursale suédoise vers les tiers membres du groupement TVA (flux n°3).

L’administration fiscale suédoise s’est attaquée au schéma, afin de réclamer à Skandia le paiement de la TVA suédoise au titre des services rendus à sa succursale (flux n°2). En simplifiant à l’extrême, son raisonnement consistait à arguer de l’inapplicabilité de la jurisprudence FCE Bank, la succursale constituant un assujetti à la TVA distinct de son siège de droit étranger du fait de son appartenance à un groupement TVA. Il y avait donc bien une prestation de services à titre onéreux soumise à TVA suédoise entre Skandia US prestataire établi en Suède et sa succursale membre du groupement TVA suédois preneur des services.

Afin d’envisager la question de l’imposition des fournitures de services rendus par un siège à sa succursale dans de telles circonstances, il convient de s’interroger sur le point de savoir si une succursale peut effectivement adhérer, indépendamment de son siège de droit étranger, à un groupement TVA. Dans ses conclusions rendues publiques le 8 mai 2014, l’avocat général a répondu par la négative.

De fait, les conséquences, toutes conduisant à une imposition à la TVA des services, seraient les suivantes :

  1. soit le siège de droit étranger adhère dans son intégralité au groupement, ce qui aboutirait potentiellement à une taxation en Suède des services acquis auprès des fournisseurs tiers par Skandia US en sa qualité de membre du groupement TVA (taxation du flux n°1) et à une non-taxation des flux subséquents,
  2. soit la succursale est exclue du groupement TVA (notamment si la première option n’est pas possible), aboutissant potentiellement à une taxation à la TVA suédoise des services fournis par la succursale au groupement TVA (taxation du flux n°3 a priori),
  3. soit enfin, s’il n’est pas possible pour des raisons de droit interne que l’administration suédoise mette en œuvre l’une de ces deux options, la taxation envisagée du flux n°2 ne peut être justifiée que par une mesure de lutte contre l’évasion fiscale.

En fonction de la politique de répartition des coûts et des mark-up appliqués au prix à chaque stade de facturation, le choix de l’une ou l’autre de ces options pourrait ne pas être neutre.

Si la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) devait confirmer cet avis, quel en serait l’impact sur les structures mises en place au sein des Etats membres qui ont transposé le groupement TVA dans sa forme la plus aboutie (Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Estonie, République Tchèque, Finlande, Allemagne, Hongrie, Irlande, Lettonie, Pays Bas, Slovaquie, Suède et Royaume-Uni) et dont les approches divergent quant à la possibilité pour une succursale de société étrangère d’adhérer de manière autonome à un groupement TVA sur leur territoire ?

Au final, cette décision pourrait redonner un intérêt accru aux mécanismes de partage de frais en exonération de TVA tels que les connaît la France avec peut-être une mise en place facilitée, au niveau international, dans un futur proche.