Toute première décision de l’AFA sur le contrôle de conformité du dispositif anticorruption

Le groupe Sonepar, spécialisé dans la distribution de matériels électriques, est le premier à faire l’objet d’une décision de la Commission des sanctions de l’Agence française anticorruption (AFA) consécutive aux pouvoirs d’investigations de l’Agence dans le cadre de sa mission de contrôle de la qualité et de l’efficacité des procédures mises en œuvre pour prévenir et détecter les faits de corruption et de trafic d’influence.

La Commission des sanctions a été saisie le 13 mars 2019, soit près de neuf mois après le rapport d’enquête envoyé par l’AFA au groupe français qui relevait alors l’existence de 18 manquements au dispositif prévu par la loi dite « Sapin II » (loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016).

Tenant compte des observations écrites formulées par le groupe Sonepar, l’AFA retiendra finalement 5 manquements :

 

  1. la non-conformité de la cartographie des risques
  2. l’absence de pertinence du code de conduite en lien avec les risques qui auraient dû être identifiés
  3. des procédures d’évaluation des tiers (clients, fournisseurs de premier rang et intermédiaires) non conformes aux exigences de l’article 17 de la loi
  4. l’absence d’intégration au sein des procédures de contrôles comptables de points spécifiques permettant de s’assurer que ses livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d’influence
  5. l’absence de dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre

Le détail des exigences des contrôles effectués par l’AFA sont explicitement révélés par les manquements retenus : la seule présence d’une cartographie des risques ou encore d’un code de conduite ne suffit pas à satisfaire les obligations posées à l’article 17 de la loi Sapin II car encore faut-il qu’ils soient spécifiquement adaptés à l’activité et illustrés de manière pertinente.

L’AFA considérait en effet que la cartographie des risques s’appuyait sur des scénarios trop « génériques », ne permettant pas d’assurer que la société soit en mesure de réaliser « une analyse fine des vulnérabilités existantes sur la totalité de ses processus, en France comme dans les pays où elle est implantée ».

Logiquement, il en résultait que le code de conduite était considéré non conforme aux exigences de la loi Sapin II, en raison notamment d’illustrations « sans lien avec les risques spécifiques que seule une cartographie réalisée selon une méthodologie pertinente aurait permis de révéler ».

L’AFA a ainsi proposé à la Commission (i) d’enjoindre la société et son président d’adapter les procédures de conformité internes destinées à la prévention et à la détection des faits de corruption et de trafic d’influence avant la fin de l’année 2019 et (ii) en cas de non-respect de cette injonction de mise en conformité à l’échéance fixée, de prononcer une sanction pécuniaire à l’encontre tant de la société que de son président d’un montant respectif de 1 million d’euros et de 200 000 euros.

L’ensemble des griefs invoqués ont été rejetés par la Commission des sanctions de l’AFA réunie le 25 juin dernier. Dans sa décision du 4 juillet, la Commission estime en effet que les manquements reprochés par l’AFA au moment de son contrôle n’étaient plus constitués à la date de l’audience et qu’il n’y avait pas lieu de prononcer d’injonction ni de sanction pécuniaire à l’égard de la société et de son président.

En effet, la Commission a constaté et explicitement relevé les efforts fournis par le groupe afin (i) d’améliorer le déploiement de ses nombreux plans d’actions, dont l’état d’avancement a été quantifié à 75 % en juin 2019, (ii) de mettre à jour, de soumettre aux instances du personnel et de mettre à disposition de l’ensemble des collaborateurs, en 19 langues, son code de conduite, (iii) d’actualiser et de multiplier les procédures visant à évaluer les tiers et enfin (iv) de mettre en place des procédures de contrôles comptables, internes et externes, et d’évaluation des mesures mises en œuvre dans le cadre du dispositif posé à l’article 17 de la loi Sapin II.

Le groupe Sonepar devient ainsi le premier à être doté d’un dispositif visant à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence, jugé conforme à la loi Sapin II par la Commission des sanctions de l’AFA.

En première analyse, la « jurisprudence Sonepar » révèle la conception qu’a l’AFA de sa mission, exigeante et pragmatique, imposant aux entreprises de prendre très au sérieux les obligations « Sapin II » et d’avoir un comportement diligent.

Benjamin Balensi

Benjamin Balensi, Avocat Associé, exerce son activité au sein de l’équipe droit des affaires. Il conseille les sociétés françaises et les groupes internationaux dans le cadre du développement de leur […]

Charlotte Cazalis

Charlotte est avocate en droit des affaires. Elle rejoint le cabinet Deloitte Société d’Avocats en 2017. Elle conseille des clients nationaux et multinationaux en droit commercial aussi bien en conseil […]

Perle Pascaud-Blandin

Perle est avocate en droit des affaires et a rejoint le cabinet Deloitte Société d’Avocats en 2015. Elle assiste des groupes multinationaux français et étrangers dans tous les aspects du […]