Abandon de créance avec clause de retour à meilleure fortune et TUP

Le Conseil d’État juge que le remboursement, par la société confondante, de l’abandon de créance auparavant accordé à la société confondue, effectué en exécution d’une clause de retour à meilleure fortune, vient minorer sa valeur ajoutée pour la détermination de la CVAE (solution rendue au titre d’un abandon de créance à caractère financier consenti dans le cadre du régime antérieur à la 2e LFR 2012).

Rappel

Pour mémoire, sont soumises à la CVAE les personnes physiques ou morales qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis du CGI et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 € (CGI, art. 1586 ter).

La valeur ajoutée servant de base à la CVAE est égale à la différence entre le chiffre d’affaires, tel que défini par les dispositions de l’article 1586 sexies du CGI, et une liste limitative de charges, fixée par ce même article.

Avant que la 2e LFR 2012 ne vienne (avec une application aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012) supprimer la possibilité de déduire du résultat fiscal (et, en cohérence, pour la détermination de la valeur ajoutée) les abandons de créances à caractère financier, l’article 1586 sexies du CGI prévoyait expressément la prise en compte dans la VA des abandons de créance.

Ainsi, un abandon de créance obtenu venait majorer la VA de la société bénéficiaire de l’abandon, tandis qu’il venait minorer la VA de la société ayant consenti l’abandon.

L’histoire

En 2010, une société a consenti à sa sous-filiale (détention indirecte à 100 %) un abandon de créance, en raison des difficultés financières que cette dernière traversait. Cet abandon de créance était assorti d’une clause de retour à meilleure fortune, laquelle ne pouvait être activée que dans des conditions bien spécifiques.

L’abandon avait été considéré comme déductible chez la société ayant constaté la charge et imposable chez la bénéficiaire.

En mai 2012, la sous-filiale a fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine au profit de sa société mère, laquelle a, en décembre 2012, fait jouer la clause de retour à meilleure fortune et donc remboursé la société mère à l’origine de l’abandon de créance.

Elle a considéré qu’il s’agissait d’une charge déductible tant pour la détermination de son résultat soumis à l’impôt sur les sociétés que pour le calcul de la valeur ajoutée servant d’assiette à la CVAE.

L’Administration a toutefois refusé cette déduction (tant en matière d’IS que de CVAE), en se fondant notamment sur la théorie du prix d’acquisition.

Devant les juridictions du fond, les débats s’étaient cristallisés autour de l’application de la théorie du prix d’acquisition.

Si la CAA de Nantes a confirmé l’applicabilité, au plan des principes, de la théorie du prix d’acquisition, tant aux fusions qu’aux TUP, elle a toutefois écarté sa mise en œuvre au cas d’espèce, jugeant que la dette litigieuse n’était ni connue, ni prévisible, à la date de l’opération de TUP. Elle a, en conséquence, admis la déductibilité par la société confondante du remboursement de l’abandon de créance pour la détermination de sa valeur ajoutée (CAA Nantes, 7 janvier 2022, n°20NT02887).

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État, s’il confirme la déductibilité du remboursement litigieux pour la détermination de la valeur ajoutée, déplace quelque peu le débat en procédant à une substitution de motifs.

Ainsi, il ne fait aucune référence à l’application ou non de la théorie du prix d’acquisition et fonde sa décision sur 2 points :

  1. la transmission de l’obligation de remboursement en exécution de la clause de retour à meilleure fortune à la société confondante
  2. la lettre même de l’article 1586 sexies dans sa rédaction applicable au moment de l’abandon de créance

Transmission de l’obligation de remboursement en exécution de la clause de retour à meilleure fortune à la société confondante

Le Conseil d’État juge, en premier lieu, que par l’effet de l’opération de TUP, la société confondante doit être regardée comme venant aux droits et obligations de la société confondue et donc comme se substituant à cette dernière comme débitrice de la clause de retour à meilleure fortune dont était assorti l’abandon de créance qui lui avait auparavant été accordé.

Les conditions déterminant l’activation de la clause de retour à meilleure fortune s’étant trouvées remplies à son niveau, la société était bien tenue à l’obligation de remboursement de l’abandon de créance litigieux.

Application des dispositions de l’article 1586 sexies du CGI dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la 2e LFR 2012

Le Conseil d’État juge que, lorsqu’un abandon de créance à caractère financier consenti au cours d’un exercice clos avant le 4 juillet 2012 a pour effet de majorer le montant de la valeur ajoutée servant de base à la CVAE de l’entreprise ayant bénéficié de cet abandon, alors son remboursement en exécution d’une clause de retour à meilleure fortune par cette même société ou une société qui se serait substituée à elle a nécessairement pour effet de minorer symétriquement l’assiette de la CVAE due par cette société au titre de l’année au cours de laquelle le remboursement est intervenu.

Il importe peu, à cet égard, que le remboursement intervienne au titre d’un exercice clos après le 4 juillet 2012, c’est-à-dire après l’entrée en vigueur de la 2e LFR 2012.

On notera que le Conseil d’État retient ainsi la solution « constructive » que lui suggérait son rapporteur public, solution justifiée par la nécessité d’assurer « un traitement symétrique de l’abandon de créance et de la résolution de cet acte par l’effet du retour à meilleure fortune ».

Pour favorable qu’elle soit, cette solution ne présente toutefois qu’une portée limitée : elle ne concerne que les abandons de créances intervenus au titre d’exercices clos avant le 4 juillet 2012, et, surtout, rappelons que le PLF 2023 prévoit la suppression progressive (sur 2 ans) de la CVAE.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.