Ancien dispositif « anti-hybride » : cas où le prêteur est une entité transparente et appréciation des liens de dépendance

Le Conseil d’Etat apporte des précisions sur les modalités d’appréciation des liens de dépendance au sens de l’article 39-12° du CGI, pour l’application de l’ancien dispositif dit « anti-hybride », dans l’hypothèse particulière où l’entreprise prêteuse se trouve être une entité transparente. Il admet, dans ce contexte très spécifique, qu’une personne physique puisse être qualifiée d’« entreprise » au sens de l’article 39-12° du CGI.

Eléments de contexte

L’ancien dispositif anti-hybride de l’article 212, I, b applicable aux exercices ouverts jusqu’au 31.12.2019

Le b du I de l’article 212 du CGI subordonnait la déductibilité des intérêts afférents à des sommes laissées ou mises à disposition d’une entreprise par une entreprise liée au sens de l’article 39-12° du CGI, à la condition que l’entreprise liée créancière des intérêts soit, au titre de l’exercice concerné, assujettie à raison de ces intérêts à un impôt sur le résultat dont le montant était au moins égal à 25 % de l’impôt français sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun.

Pour l’entreprise créancière domiciliée à l’étranger, ce taux s’entendait de celui dont elle aurait été redevable en France sur les intérêts perçus si elle y avait été établie.

La charge de la preuve pesait sur l’entreprise française débitrice, qui devait démontrer que les intérêts versés faisaient l’objet au sein de l’entreprise créancière de l’imposition minimale requise par la loi (BOI-IS-BASE-35-30-20190904 § 110).

Le texte de l’article 212, I, b du CGI visait expressément l’hypothèse où l’entreprise prêteuse se trouvait être une entité transparente, en prévoyant que le dispositif ne s’appliquait qu’à la condition qu’il existe des liens de dépendance au sens de l’article 39-12° du CGI :

  • D’une part, entre l’emprunteuse et la prêteuse entité transparente,

ET

  • D’autre part, entre la prêteuse entité transparente et l’un au moins de ses détenteurs de parts, la preuve d’une imposition minimale devant alors être appréciée au niveau de ces détenteurs de parts.

Rappelons que, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, la LF 2020 a instauré un nouveau dispositif de lutte contre les dispositifs hybrides susceptibles de produire des effets fiscaux asymétriques sur tous types de flux (CGI, art. 205 B, 205 C et 205 D). Le dispositif de l’article 212, I-b a été supprimé à cette occasion (loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019, de finances pour 2020, art. 45).

La notion de liens de dépendance au sens de l’article 39-12° du CGI

Au sens de l’article 39-12° du CGI, des liens de dépendance sont réputés exister entre 2 entreprises :

  • En présence de liens bilatéraux (hypothèse visée par le a), c’est-à-dire lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ;
  • En présence d’une situation triangulaire (hypothèse visée par le b), lorsque ces 2 entreprises sont placées sous le contrôle d’une même tierce entreprise.

L’histoire

Une SASU française était intégralement détenue par une LLP britannique (entité fiscalement transparente), elle-même détenue par 2 personnes physiques – des ressortissants russes.

La société française a conclu, en 2012, une convention de crédit avec la LLP, en application de laquelle lui ont été consenties des avances de trésorerie d’un montant très significatif.

Elle a déduit les intérêts y afférents au titre des exercices 2013 à 2015, déduction remise en cause par l’Administration en application de l’ancien dispositif anti-hybride, en l’absence de preuve d’une imposition minimale de ces intérêts à l’étranger.

La société française a contesté le redressement, au motif que la condition de liens de dépendance faisait défaut entre l’entité transparente et son principal associé (personne physique détenant 99% du capital), les dispositions de l’article 39-12° du CGI faisant expressément référence aux liens de dépendance réputés exister « entre 2 entreprises ».

La décision du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat confirme l’analyse des juges d’appel, qui avaient considéré qu’il pouvait bien exister un lien de dépendance au sens de l’article 39-12°, a du CGI entre une entreprise et une personne physique.

Pour mémoire, dans une affaire relative à l’ancien mécanisme des taux majorés de CIR applicable  aux entreprises qui n’avaient pas bénéficié du crédit d’impôt au titre des 5 années précédentes, à la condition qu’aucune entreprise leur étant liée au sens des dispositions de l’article 39-12° n’en ait également bénéficié au cours de la même période, la CAA de Douai avait jugé qu’une personne physique pouvait, au sens des dispositions du b) de l’article 39-12°, être qualifiée d’entreprise tierce (CAA Douai, 5 février 2019, n°17DA00881).

Elle avait toutefois précisé qu’il fallait, dans ce cas, que la détention de parts sociales constitue, pour cette personne physique, une activité économique et professionnelle, condition non reprise par la CAA dans la présente affaire.

On notera que la rédaction prudente retenue par le Conseil d’Etat nous laisse penser que l’assimilation d’une personne physique à une entreprise pour l’appréciation de liens de dépendance au sens de l’article 39-12° du CGI doit ici être cantonnée au cas d’espèce, très spécifique. C’est également ce que suggèrent les conclusions du rapporteur public.   

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.