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Contribution exceptionnelle et temporaire à la charge des très grandes entreprises : publication des commentaires au BOFiP   

Le 6 août dernier, l’Administration a publié au BOFiP ses commentaires (très attendus), relatifs à la contribution exceptionnelle et temporaire à la charge des très grandes entreprises, instaurée par la LF 2025. Très largement inspirée des commentaires relatifs aux contributions exceptionnelle et additionnelle à l’IS issues de la 1re LFR 2017, la doctrine administrative nouvelle apporte toutefois quelques précisions d’importance, notamment en retenant une définition plus extensive du chiffre d’affaires, ou encore en clarifiant les modalités de calcul de la surtaxe pour les entreprises nouvelles.

Rappel

La LF 2025 a instauré une contribution exceptionnelle temporaire sur l’IS, due par les très grandes entreprises (i.e., celles réalisant un CA supérieur ou égal à 1 md € au titre de l’exercice au cours duquel la contribution est due ou au cours de l’exercice précédent), au titre du 1er exercice clos à compter du 31 décembre 2025.

Cette contribution est assise sur la moyenne de l’IS dû au titre de l’exercice au cours duquel la contribution est due et au titre de l’exercice précédent, et est due au taux de 20,6 % ou 41,2 %, en fonction du CA réalisé par l’entité ou le groupe. 

Teneur des commentaires administratifs (BOI-IS-AUT-60, 6 août 2025)

Personnes morales concernées (§ 20 à 60)

Sont redevables de la contribution exceptionnelle les personnes morales qui réalisent des résultats imposables, pour tout ou partie, à l’IS aux taux mentionnés à l’article 219 du CGI (taux de droit commun de 25 % ou taux réduits).

A contrario, les personnes morales exclues du champ d’application de l’IS par une disposition légale générale ou particulière ou en raison de leur option pour le régime des sociétés de personnes sont hors du champ d’application de la contribution. Il en va de même pour les personnes morales qui bénéficient d’une exonération pour l’ensemble de leurs résultats ou d’un régime particulier.

L’Administration précise– en ligne avec ses commentaires relatifs à l’ancienne contribution exceptionnelle – que les personnes morales partiellement exonérées d’IS sont néanmoins redevables de la contribution exceptionnelle, laquelle est alors calculée sur l’IS résultant des seules opérations passibles de cet impôt. Elle indique, à titre d’exemple, que tel sera notamment le cas des SIIC disposant d’un secteur taxable par ailleurs.

Seuil d’assujettissement – Condition tenant au CA (§ 70 à 130)

Comme le suggéraient déjà les travaux parlementaires, l’Administration retient une définition du chiffre d’affaires très proche de celle dégagée pour l’application de l’ancienne contribution exceptionnelle, à quelques différences notables près.

Elle indique ainsi que le CA à prendre en compte pour l’appréciation du seuil de 1 md € s’entend du « montant hors taxes de l’ensemble des produits qui se rapporte à l’exploitation normale et courante de l’activité de l’entreprise » (définition proche de celle prévue à l’article 512-2 du PCG) et rappelle, à cet égard, que « l’exercice de l’activité normale et courante d’une entreprise s’apprécie au regard du secteur professionnel dont elle relève et de la réglementation particulière, notamment comptable, susceptible de s’appliquer ».

Elle précise de manière nouvelle que doivent être retenus dans le CA :

  • Les accises, « lesquelles se rapportent à l’activité normale et courante de l’entreprise ».
  • Les subventions perçues dans le cadre de l’activité normale et courante de l’entreprise (il en est notamment ainsi des indemnités compensatrices pour insuffisance du prix de vente).

Comme pour l’ancienne contribution exceptionnelle, elle indique que ne sont pas pris en compte les produits financiers (revenus de titres de participation, revenus de valeurs mobilières de placement, etc.), sauf dans les cas où la réglementation propre à certains secteurs d’activité le prévoit (notamment pour les établissements de crédits ou encore les entreprises d’assurance et les mutuelles).

Cependant, l’Administration vient préciser, de manière nouvelle, que ces produits financiers doivent être retenus dans le CA pour l’appréciation du seuil de la contribution exceptionnelle « lorsqu’ils doivent être regardés comme l’une des modalités courantes et normales de poursuite du profit par l’entreprise caractérisant son modèle économique ».

On notera que cette rédaction est extrêmement proche de celle retenue par le juge de l’impôt dans le cadre de ses décisions Sté Mayapan BV (CE, 26 juillet 2023, n°466220, relative à la contribution sociale sur l’IS de 3,3 %) et SA BPI France (CAA Paris, 24 décembre 2024, n°22PA02223, décision devenue définitive – ancienne contribution exceptionnelle) :

  • Dans le cadre de sa décision Sté Mayapan BV, le Conseil d’État avait jugé qu’il convenait de tenir compte, pour l’appréciation du CA, des intérêts perçus par une société holding, à raison des prêts consentis aux sociétés dont elle est associée, dès lors que la perception de ces intérêts constituait l’une des modalités courantes et normales de poursuite du profit par l’entreprise, caractérisant son modèle économique. Dans ses conclusions, le rapporteur public indiquait notamment que « quand bien même cette activité n’est pas exercée à titre professionnel mais au seul bénéfice des sociétés membres du groupe, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une activité financière, et cette seule circonstance suffit, à notre sens, à déduire que les produits qui en résultent doivent être inclus dans le CA de l’entreprise, puisqu’ils reflètent sa capacité contributive ». Il indiquait, de plus, que cette solution aurait « à son sens », vocation à être transposée aux sociétés appartenant à un groupe exerçant, pour le compte des autres membres du groupe, une activité de cash-pooling, qu’il s’agisse de la holding ou d’une simple filiale.
  • Dans le cadre de sa décision SA BPI France, la CAA de Paris a jugé qu’il convenait de tenir compte des plus-values de cession d’immobilisations financières et des produits financiers perçus par une société, dès lors qu’ils s’inscrivaient dans son modèle économique.

Même si l’Administration ne mentionne pas expressément les dividendes au nombre des produits financiers susceptibles d’être pris en compte pour la détermination du chiffre d’affaires, ils devraient également être concernés (dès lors qu’ils constituent également, selon le PCG, des produits financiers devant être enregistrés dans les comptes 761, 762 ou 764, selon leur nature).

Cette définition plus extensive du chiffre d’affaires devra donc conduire, en pratique, à une analyse approfondie du modèle économique de l’entité – et nous semble présenter un vrai risque pour les sociétés holding.

L’Administration indique, de plus, qu’il ne convient pas de tenir compte :

  • des produits exceptionnels (notamment, non prise en compte des PV de cession d’immobilisations corporelles et incorporelles, « à moins qu’elles ne s’inscrivent dans le dans le modèle économique de l’entreprise » – dans ce cas, elles doivent être regardées comme présentant un caractère « normal et courant ») ;
  • des refacturations de frais effectuées entre sociétés lorsqu’elles présentent le caractère de débours au sens de l’article 267, II, 2° du CGI. Toutefois, l’intégralité des sommes dues par les clients doit être retenue lorsqu’une entreprise agit pour le compte d’autrui, mais en son nom propre (cas des « commissionnaires opaques »).

Elle rappelle également que le caractère normal et courant d’une exploitation est indépendant du régime fiscal applicable aux produits qui en sont tirés. Ainsi, il doit être tenu compte du chiffre d’affaires réalisé dans le cadre d’opérations normales et courantes dont le résultat bénéficie d’un régime d’imposition particulier ou d’une exonération – notamment produits bénéficiant du régime « patent box ».

L’Administration n’assouplit pas davantage sa position s’agissant des sociétés partiellement exonérées d’IS (notamment les SIIC disposant par ailleurs d’un secteur taxable) : dans ce cas, le CA à retenir sera celui retiré de l’ensemble des opérations réalisées par l’entreprise (secteur taxable et secteur exonéré).

Elle rappelle enfin qu’il convient de retenir le CA qui se rattache aux seuls bénéfices soumis en France à l’IS en application des règles de territorialité (seuls éléments se rattachant à la liasse France).

S’agissant de la période de référence à retenir pour apprécier ce CA, l’Administration retient les mêmes précisions que celles applicables dans le cadre de l’ancienne contribution exceptionnelle (précisions, notamment, s’agissant des exercices dont la durée n’est pas égale à 12 mois, § 150, dans le cas où aucun exercice n’a été clos au cours de l’année civile, § 160, ainsi que s’agissant des entreprises nouvelles, § 170).

Pour le cas particulier des groupes intégrés (§ 180 à 200), l’Administration précise que :

      • Les entreprises qui deviennent membres d’un groupe ne sont pas redevables de la contribution exceptionnelle au titre de l’exercice au cours duquel elles entrent dans le groupe : seule la société mère en est redevable, et le CA des entreprises entrant dans le groupe est pris en compte pour l’appréciation du CA du groupe.
        • Ainsi, par exemple,F1 entre le 01.01.2025 dans le groupe fiscal déjà constitué par M.
        • Le CA réalisé par F1 au titre de l’exercice clos le 31.12.2025 sera agrégé au CA des autres sociétés du groupe pour déterminer si le seuil de 1 md € est ou non franchi. En revanche, seule M sera redevable de la contribution le cas échéant.
      • Les sociétés qui cessent de faire partie du groupe doivent acquitter la contribution exceptionnelle au titre de l’exercice au cours duquel elles sont sorties du groupe. La société mère n’est alors pas redevable de la contribution pour le compte de ces dernières, et il n’est pas tenu compte de leur CA pour l’appréciation du CA du groupe fiscal.
        • Ainsi, par exemple, F1 est réputée sortir au 01.01.2025 du groupe fiscal constitué par M
        • Il ne sera pas tenu compte du CA réalisé par F1 au titre de l’exercice clos le 31.12.2025 pour déterminer si le CA du groupe intégré dépasse le seuil de 1 md € au titre de l’exercice considéré. Le cas échéant, si le CA de F1 en standalone dépasse ce seuil, elle devra s’acquitter elle-même de la contribution exceptionnelle.
        • Le même raisonnement s’appliquera en cohérence pour la détermination de l’acompte de contribution exceptionnelle à acquitter le cas échéant.

        Détermination de la contribution exceptionnelle (§ 210 à 320)

        La contribution exceptionnelle est assise sur la moyenne de l’IS dû au titre de l’exercice au cours duquel la contribution est due et au titre de l’exercice précédent, calculé sur l’ensemble des résultats imposables aux taux prévus à l’article 219 du CGI (donc non seulement les résultats soumis à l’IS au taux de droit commun, mais aussi les résultats soumis au taux de 10 % en application du régime patent box).

        Comme pour l’ancienne contribution exceptionnelle, l’Administration indique que l’assiette est constituée de l’IS :

        • après imputation des déficits et des moins-values à long terme reportables et application des exonérations ou abattements prévus par des régimes particuliers (par exemple, régime des entreprises nouvelles ou en faveur des ZFU-TE), ou des dispositions prévoyant un report ou un sursis d’imposition (notamment, CGI, art. 38,7 et 7 bis, CGI, art. 210 A et 210 B) ;
        • mais avant imputation des réductions et crédits d’impôt, et des créances fiscales de toute nature, telle que la créance de carry-back (§ 220 et 230) ;
        • Prise en compte de l’IS découlant de l’application du dispositif de l’article 209 B du CGI (§ 240).

        Elle apporte ensuite des précisions sur le cas particulier des entreprises nouvelles.

        Elle indique que si aucun exercice n’a été clôturé au cours de la 1re année civile d’activité, la contribution exceptionnelle portera alors sur la période écoulée depuis le début d’activité jusqu’à la date de clôture du 1er exercice, ou au plus tard jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle de sa création (§ 320).

        Puis elle ajoute que, « pour le calcul de l’assiette de la contribution exceptionnelle (…) l’IS dû au titre de l’exercice précédent est considéré comme égal à 0 ». Même si la formulation aurait pu être plus claire, la solution ici dégagée devrait plus généralement valoir pour toute société nouvelle clôturant son 1er exercice à compter du 31.12.25.

        L’Administration n’envisage pas le cas d’une création d’un groupe intégré. Il nous semble néanmoins que la même solution devrait s’appliquer. Ainsi, si l’on prend l’hypothèse d’un groupe créé à compter du 01.01.25 (exercices alignés avec l’année civile), pour le calcul de la contribution due au titre de l’exercice clos au 31.12.25, l’IS dû au titre de l’exercice 2024 devrait être considéré comme égal à 0. Le point mériterait néanmoins d’être confirmé.

        S’agissant du taux applicable, l’Administration précise, illustrations chiffrées à l’appui, les situations dans lesquelles il convient de retenir les taux de 20,6 % ou de 41,2 %, et dans lesquelles les mécanismes de lissage prévus par le texte sont susceptibles de jouer (§ 250 à 300).

        Modalités de paiement (§ 330 à 390)

        Rappelons que la contribution doit être payée spontanément au plus tard à la date de versement du solde de liquidation de l’IS. L’Administration indique que les sociétés devront recourir au même formulaire que celui utilisé pour la liquidation de l’IS et de la contribution sociale de 3,3 % – formulaire n°2572-SD (§ 380).

        La contribution nouvelle donne lieu, de manière obligatoire, à un versement anticipé dont le montant est fixé à 98 % du montant de la contribution exceptionnelle estimé au titre de l’exercice ou de la période d’imposition en cours.

        Ce versement anticipé doit être effectué à la date prévue pour le paiement du dernier acompte d’IS de l’exercice ou de la période d’imposition (soit avant le 15 décembre 2025 pour une entité clôturant le 31.12.2025), sur le même formulaire que celui utilisé pour le versement du dernier acompte d’IS et de contribution sociale de l’exercice – formulaire n°2571-SD (§ 390).

        Notons que, pour l’heure, ces formulaires ne nous semblent pas avoir été mis à jour pour tenir compte de la création de la contribution exceptionnelle.

        L’Administration précise – comme elle l’avait déjà fait pour l’ancienne contribution exceptionnelle – que lorsqu’une convention fiscale conclue par la France prévoit que des crédits d’impôt attachés à des revenus qui ont leur source dans l’Etat ou le territoire cocontractant de la France sont imputables sur « l’IS et les impôts de même nature » calculés en France sur ces revenus, alors ces crédits d’impôts pourront être imputés sur le montant de la contribution exceptionnelle (cela concerne notamment les conclusions conclues avec la Chine, la Croatie, Hong Kong, le Luxembourg, le Portugal et Singapour).

        De manière nouvelle, et pour tirer les conséquences d’une mise à jour de sa doctrine administrative (BOI-IS-AUT-10-30, § 100, 1er mars 2023), l’Administration indique que les entreprises peuvent déterminer librement l’ordre d’imputation de ces crédits d’impôt sur l’IS, la contribution sociale et la contribution exceptionnelle nouvelle (§ 360).

        Précisions diverses

        Les commentaires relatifs aux modalités de contrôle et de contentieux, ainsi qu’aux sanctions applicables, sont très proches de ceux retenus dans le cadre de l’ancienne contribution (§ 400 à 480).

        L’Administration rappelle, conformément à la lettre du texte, que la contribution exceptionnelle n’est pas admise en déduction de l’IS (§ 490).

        Enfin, elle indique que, pour le calcul de la participation des salariés, la contribution exceptionnelle constitue un impôt juridiquement distinct de l’IS, et ne vient donc pas en déduction du bénéfice net retenu pour l’application de la formule légale (§ 510).

        On notera que l’Administration ne se prononce pas sur le sort de la contribution exceptionnelle au regard de Pilier 2. Il ne nous semble cependant pas faire de doute qu’elle sera considérée comme de l’impôt sur le résultat au regard des règles Pilier 2 (et donc comme un impôt couvert).

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