CVAE : Subventions d’exploitation versus subventions d’investissement

Le Conseil d’État se réfère de manière implicite aux définitions retenues par le PCG de 1982 relatives aux subventions d’exploitation et aux subventions d’investissement pour se prononcer sur le traitement d’un abandon de créance accordé par l’État aux fins de détermination de la CVAE. 

Rappel

Pour mémoire, la valeur ajoutée servant de base à la CVAE est égale à la différence entre le chiffre d’affaires majoré d’autres produits (dont les subventions d’exploitation) et une liste limitative de charges fixée par les dispositions de l’article 1586 sexies du CGI.

Le Conseil d’État a jugé, à plusieurs reprises, que pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l’une de ces catégories il convient de se reporter aux normes comptables obligatoires en vigueur lors de l’année d’imposition concernée (CE, 4 août 2006, n°267150, Sté Foncière Ariane et CE, 9 mai 2018, n°388209, Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Pyrénées Gascogne,  solution rendue en matière de taxe professionnelle, puis transposée à la CVAE, CE, 29 juin 2018, n°416346, SAS Compagnie d’exploitation et répartition pharmaceutique de Rouen). Le Conseil d’État a ensuite indiqué, dans un avis du 26 septembre 2018, qu’il en allait de même pour déterminer, le cas échéant, le mode de calcul de ces éléments comptables (avis n°421182).

Dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration précise également qu’il convient de se reporter au PCG (BOI-CVAE-BASE-20, 7 juillet 2021).

L’histoire

Dans le cadre d’un protocole d’accord conclu en 1998, l’État a apporté un soutien financier à la société Airbus sous la forme d’une avance remboursable destinée à financer « le développement, l’étude de l’industrialisation et l’outillage pour la réalisation des prototypes des programmes d’avions Airbus A340-500 et A340-600 ».

Le remboursement de cette avance par Airbus était prévu sous forme de reversements échelonnés exigibles à la livraison de chaque appareil de cette gamme. Le programme a toutefois été interrompu de manière anticipée en 2011 alors que seuls 133 appareils avaient été livrés, contre les 404 initialement prévus.

Le solde de l’avance remboursable consentie par l’État a fait l’objet d’un abandon de créance au profit de la société, laquelle l’a comptabilisé en ‘produit exceptionnel’ et n’en a donc pas tenu compte pour le calcul de sa valeur ajoutée dans la mesure où les autres produits exceptionnels ne sont pas inclus dans la liste limitative des éléments à prendre en compte dans le calcul de la valeur ajoutée.

Au contraire, l’Administration a considéré qu’il s’agissait d’une ‘subvention d’exploitation’ qui devait être incluse dans la valeur ajoutée.

La décision du CE

Pour mémoire, les ‘subventions d’exploitation’ à prendre en compte dans la valeur ajoutée s’entendent de celles qui doivent être comptabilisées au compte 74 du PCG. Toutefois, sont également prises en compte les subventions qui seraient comptabilisées dans un autre compte (par exemple compte 7715, subventions d’équilibre), dès lors qu’elles permettent à l’entreprise de compenser l’insuffisance de certains produits d’exploitation ou de faire face à certaines charges d’exploitation. A l’inverse, les subventions ayant le caractère de ‘subventions d’investissement’ n’ont pas à être prises en compte dans le calcul de la valeur ajoutée (BOI-CVAE-BASE-20-20, n°70, 7 juillet 2021).

Le débat portait donc sur la qualification de l’abandon de créance consenti par l’État à la société Airbus Opérations : ‘subvention d’exploitation’ ou ‘subvention d’investissement’ ?

Ces différents types de subventions ne sont pas définis dans l’actuel PCG, les définitions issues du PCG de 1982 n’ayant été reprises ni dans le PCG de 1999, ni dans le PCG de 2014. En l’absence de définitions dans le PCG actuel, celles du PCG de 1982 ont été reprises en partie dans le Recueil des normes comptables publié par l’ANC.

Ainsi :

  1. les subventions d’exploitation (PCG 82, p. I 42) sont celles dont bénéficie l’entreprise « pour lui permettre de compenser l’insuffisance de certains produits d’exploitation ou de faire face à certaines charges d’exploitation». Elles sont à comptabiliser en compte 74.
  2. les subventions d’équilibre (PCG 82, p. I 41) sont celles dont bénéficie l’entreprise « pour compenser, en tout ou partie, la perte globale qu’elle aurait constatée si la subvention ne lui avait pas été accordée ». Elles sont à comptabiliser en compte 7715 ou 74.
  3. les subventions d’investissement (PCG 82, p. I 42, définition reprise dans le Recueil des normes comptables publié par l’ANC) sont celles accordées à l’entreprise « en vue d’acquérir ou de créer des valeurs immobilisées [subvention d’équipement] ou de financer des activités à long terme [autres subventions d’investissements]». Elles sont à comptabiliser soit en compte 77, soit étalées par le biais du compte 13.

L’Administration précise dans ses commentaires au BOFiP que les subventions d’exploitation et d’équilibre sont à inclure dans la valeur ajoutée mais non les subventions d’investissement (BOI‑CVAE-BASE-20-20-07/07/2021 n°70).

Le Conseil d’État, se référant de manière implicite à ces définitions, censure l’analyse de la CAA de Versailles qui avait, à l’instar de l’Administration, retenu la qualification de « subventions d’exploitation » dans l’affaire en cause.

La Cour s’était fondée sur les circonstances que la réalisation de travaux de développement et de recherche en matière aéronautique (que l’avance de l’État avait pour objet de financer) constituait une activité courante et ordinaire de la société Airbus, que cette avance était remboursable sur les produits d’exploitation tirés de la vente des appareils de la gamme A340-500/A340-600 et que l’abandon au profit de la société de son solde non encore remboursé en cas d’échec du programme était corrélé aux dépenses réalisées pour le financement de celui-ci.

Le Conseil d’État lui fait grief de n’avoir pas recherché si, comme la société le soutenait, la fraction non remboursée de cette avance avait eu pour contrepartie la création ou l’acquisition d’éléments de son actif immobilisé ou le financement d’activités de long terme et avait par suite le caractère d’une subvention d’investissement. Il renvoie donc l’affaire devant la CAA pour qu’elle soit tranchée au fond.

Rappelons, en outre, que le juge de l’impôt peut s’écarter des écritures comptables de l’entreprise pour restituer à un produit sa véritable qualification au regard des normes comptables (cas d’une société qui avait regardé l’abandon de créance consenti par sa mère comme une subvention d’équilibre et l’avait traité comptablement comme un produit exceptionnel – requalification par le juge comme une subvention d’exploitation, CE, 30 décembre 2002, n°238030).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.