La CAA de Paris admet, au cas d’espèce, la déduction des honoraires d’avocats acquittés par une société française membre d’un groupe international, au titre de conseils prodigués en matière de financement dans le cadre d’une opération de LBO.
L’histoire
En 2015, un groupe français a fait l’objet d’une opération de LBO secondaire menée par un fonds d’investissement.
Dans ce cadre, une société luxembourgeoise ad hoc a été constituée par le fonds pour acquérir les titres de la société tête d’intégration du groupe français. Elle a conclu avec plusieurs banques une convention de prêt pour un montant substantiel.
En 2017, la société tête d’intégration du groupe français a fait l’objet d’une vérification de comptabilité sur les exercices 2014 et 2015, à l’issue de laquelle l’Administration a remis en cause la déduction de charges correspondant à des factures d’honoraires d’avocats, sollicités dans le cadre de l’opération de financement.
L’Administration a notamment considéré que ces dépenses n’avaient pas été engagées dans l’intérêt propre de la société française, laquelle ne justifiait pas avoir bénéficié du financement accordé dans le cadre du contrat de prêt.
La décision de la CAA de Paris
La Cour rappelle d’abord le dispositif bien établi de dévolution de la charge de la preuve s’agissant de la déductibilité des charges :
- Dans un 1er temps, c’est au contribuable de justifier du montant des charges qu’il entend déduire de son bénéfice imposable ainsi que du montant de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Celui-ci peut apporter la justification par la production de tout élément suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée.
- Il incombe alors, dans un 2nd temps, à l’Administration, si elle entend s’opposer à la déduction, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
Ce n’est donc que dans le cas où l’Administration fait valoir des éléments objectifs de nature à remettre en cause le principe même de la déductibilité des charges litigieuses ou à établir leur insuffisante contrepartie pour l’entreprise que cette dernière devra justifier dans le détail de l’intérêt que représentent pour elle ces charges par des éléments contradictoires à ceux revendiqués par le service (CE, 20 juin 2003, n°232832, Ets Lebreton ; CE, 21 mai 2007, n°284719, Sylvain Joyeux).
La Cour indique qu’en application de ces principes, lorsqu’une entreprise a déduit une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n’est pas contestée par l’Administration, celle-ci peut demander à l’entreprise qu’elle lui fournisse tous éléments d’information en sa possession, susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou des biens ainsi acquis.
Elle précise que la seule circonstance que l’entreprise n’aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d’explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l’Administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense (dans le même sens voir CE, 5 juin 2020, n°425789).
Au cas d’espèce, elle juge que la société requérante apportait bien la preuve que les charges en question avaient été engagées dans son intérêt, avant d’en admettre la déductibilité.
Sur la justification du montant des charges litigieuses
La requérante produit un extrait de ses écritures comptables mettant en évidence le fait qu’elle a effectivement reçu une partie substantielle des fonds empruntés par le groupe.
De plus, les factures d’avocats indiquaient que ces honoraires se rapportaient à un financement mis à la disposition de la société française.
Sur la réalité de la contrepartie obtenue
L’Administration, pour contester la réalité de la contrepartie obtenue par la société requérante, s’appuyait, pour l’essentiel sur une clause de la convention de prêt, prévoyant que l’intégralité des frais exposés pour sa conclusion seraient mis à la charge de la société luxembourgeoise.
Elle n’apportait, en revanche, aucun élément de nature à remettre en cause les éléments avancés par la requérante :
- La convention de prêt lui conférait également la qualité d’« emprunteur original » – aux côtés de la société luxembourgeoise ;
- Elle avait effectivement reçu une partie des fonds empruntés par le groupe ;
- Ces emprunts étaient justifiés par le refinancement de sa dette, à la suite de l’opération de LBO.
La Cour refuse donc les arguments de l’Administration.