Après une légère amélioration en 2022, l’Observatoire des délais de paiement, dans son rapport du 17 juin 2024, fait état d’une dégradation en 2023 des délais de paiement en France, autant par les entreprises que les acteurs publics.
La dégradation des délais de paiement
Cette dégradation, après une légère amélioration en 2020, se distingue du reste de l’Union européenne (UE) où l’on observe, au contraire, une stabilisation.
Les délais ont, ainsi, atteint au dernier trimestre 2023, pour l’ensemble des entreprises, 12,6 jours contre 11,7 jours fin 2022. La France reste néanmoins un des bons élèves de l’UE où le nombre moyen de jours de retard s’élève à 13,3 jours.
Certains secteurs, notamment ceux du conseil, du service aux entreprises et de la construction, restent particulièrement touchés par les retards de paiement. Mais surtout, l’année 2023 a enregistré une augmentation des « grands retards », c’est-à-dire des retards dépassant 30 jours. Fin décembre 2023, 8,3 % des entreprises françaises accusaient ainsi des retards de plus de 30 jours, contre 7,2 % en 2022.
En dépit de cela, près de 50 % des entreprises françaises ont payé leurs fournisseurs sans retard en 2023, un niveau jamais atteint auparavant en France.
En ce qui concerne les paiements publics, le rapport indique des résultats globalement satisfaisants pour l’État, avec quelques exceptions notables comme le ministère de la justice qui a vu ses délais dépasser le plafond légal de 30 jours . Les collectivités territoriales ont également accusé une légère dégradation, particulièrement parmi les plus grandes d’entre elles, ce qui ne doit pas occulter le fait que la majorité d’entre elles respecte toujours les limites réglementaires.
L’Observatoire précise néanmoins que « l’augmentation des retards en 2023 ne semble pas provenir d’un mouvement général de détérioration, mais qu’il semble que l’évolution moyenne soit tirée par une partie des entreprises qui repousseraient leurs paiements ». En outre, l’Observatoire confirme la corrélation des délais de paiement clients et fournisseurs.
L’année 2024 verra la création d’un groupe de travail qui se penchera sur l’identification des différentes causes des retards de paiement. Grâce à cette étude, la nouvelle présidence de l’Observatoire, renouvelée en juin 2023, espère cibler des actions de remédiations efficaces pour de meilleurs résultats.
Débats européens et propositions de réforme
L’année 2023 a été marquée par la proposition de règlement européen, portée par Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur, visant à uniformiser les délais de paiement à travers l’Union européenne. L’ambition de la Commission est de lutter contre les retards de paiement, avec une proposition phare : l’interdiction des paiements supérieurs à 30 jours.
Bien que l’Observatoire des délais de paiement ait reconnu l’intérêt de disposer d’un texte uniforme dans toute l’UE avec la mise en place d’un dispositif de contrôle et de sanctions, les États membres ont exprimé leur préoccupation quant à cette proposition de réduire le délai maximal de paiement de 60 à 30 jours. L’une des raisons principales de cette inquiétude étant les implications potentielles sur la trésorerie des entreprises.
Une étude détaillée commandée par l’Observatoire a mis en évidence que ce changement « remettrait en cause assez sensiblement les équilibres de trésorerie actuels et le rôle joué par le crédit interentreprises. Si le passage à 30 jours apporterait davantage de ressources nouvelles qu’il ne créerait de besoins de liquidités nouveaux, au bénéfice essentiellement des PME et des microentreprises, son caractère rapide et indifférencié pourrait fragiliser un certain nombre de filières et finalement accroître les retards de paiement ».
Compte tenu des oppositions, des amendements ont été proposés dans le cadre du processus d’adoption communautaire notamment afin que le délai maximal de paiement puisse être étendu à 60 jours par contrat (délai pouvant être étendu jusqu’à 120 jours pour certains achats notamment de marchandises de nature saisonnière).
Rappel de la réglementation française applicable en matière de de délais de paiement
En France, les délais de paiement sont encadrés par les articles L 441-10 et suivants du code de commerce qui précisent, par catégorie de produits ou de services, les délais de paiement maximum applicables.
Le contrôle du respect des délais de paiement est supervisé par la DGCCRF et est réalisé sur le terrain par ses directions régionales (les DREETS) dans le cadre des pouvoirs d’enquête prévus par les articles L 450-1 et suivants du code de commerce. Ces contrôles sont une des priorités de la DGCCRF en raison de l’impact non négligeable des retards abusifs de paiement sur l’économie.
La violation de la réglementation des délais de paiement peut entraîner une amende administrative d’un montant pouvant atteindre 2 m€, pouvant être portée à 4 m€ en cas de récidive (article L. 441-16 du code de commerce).
Le montant des sanctions prononcées par la DGCCRF a augmenté en 2023 de 74 %. Pour éviter tout risque de sanction, chaque entreprise doit donc s’attacher à mettre en œuvre des bonnes pratiques en amont et pendant les contrôles.
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