Formalisme attaché à l’information de la société mère intégrante sur le montant des pénalités infligées à ses filiales intégrées

Le Conseil d’Etat juge que l’information relative aux pénalités infligées aux filiales intégrées adressée à la société tête de groupe ne saurait être regardée comme une décision au sens et pour l’application des articles L. 80 D et L. 80 E du LPF, et ne nécessite dès lors pas le visa d’un agent de catégorie A, détenant au moins le grade d’inspecteur divisionnaire.

Rappel

Dès lors que la société tête d’intégration fiscale est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d’une procédure de rectification suivie à l’égard d’une société intégrée, l’Administration doit lui adresser, préalablement à la notification de l’AMR correspondant, un document l’informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L’AMR qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document (art. R. 256-1 du LPF).

L’information qui doit être donnée à la société tête d’intégration avant cette mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de redressement qui ont été menées à l’encontre des sociétés membres de l’intégration et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d’ensemble, sans qu’il soit nécessaire de reprendre l’exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de redressement concernés.

Le document doit toutefois comporter, en ce qui concerne les pénalités, l’indication de leur montant et des modalités de détermination mises en œuvre par l’Administration (CE, 13 décembre 2013, n°338133, EURL Pub Finance ; CE, 25 juin 2020, n°421095, Société BNP Paribas).

L’histoire

Une société tête de groupe intégré fait l’objet d’une vérification de comptabilité, à l’issue de laquelle l’Administration rectifie ses résultats déclarés au titre des exercices 2011 et 2012. Dans ce cadre, en 2014, l’Administration lui adresse, en sa qualité de société membre du groupe, une proposition de rectification indiquant les impositions supplémentaires mises à sa charge, assorties de pénalités pour manquement délibéré.

Puis, en 2015, l’Administration adresse à la société, cette fois en sa qualité de tête de groupe, une lettre d’information mentionnant les conséquences sur le résultat d’ensemble des rectifications qui lui avaient préalablement été notifiées, avec un montant de pénalités pour manquement délibéré très supérieur à celui mentionné dans la notification de redressement adressée à la société.

La différence de montant des pénalités tenait au fait que la société tête de groupe avait déclaré, au titre de l’année 2012, des résultats déficitaires, tandis que l’intégration fiscale, en raison des résultats bénéficiaires réalisés par ses filiales, était bénéficiaire fiscalement au titre du même exercice.

La société a considéré que, compte-tenu de cette discordance des montants des pénalités pour manquement délibéré, l’Administration aurait dû, dans le cadre de l’envoi de la lettre d’information, respecter le formalisme spécifique des dispositions des articles L. 80 D et L. 80 E du LPF.

Ces dispositions prévoient que la décision d’appliquer certaines majorations et amendes (notamment les pénalités de 80 % en cas d’abus de droit ou de manœuvres frauduleuses et de 40 % pour manquement délibéré, prévues à l’article 1729 du CGI) doit être prise par un agent de catégorie A, détenant au moins le grade d’inspecteur divisionnaire – ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

La décision du CE

Le Conseil d’Etat écarte les arguments de la société.

Il rappelle d’abord que l’information qui doit être donnée à la société mère avant la mise en recouvrement doit comporter, en ce qui concerne les pénalités, l’indication de leur montant et des modalités de détermination mises en œuvre par l’Administration, lesquelles constituent une garantie permettant à la société mère de contester utilement les sommes mises à sa charge.

Il en conclut, à cet égard, que l’information relative aux pénalités adressée à la société tête de groupe ne saurait être regardée comme une décision au sens et pour l’application des articles L. 80 D et L. 80 E du LPF.

Comme le souligne le rapporteur public dans ses conclusions, l’intervention d’un agent de grade supérieur prévue par l’article L. 80 E du LPF a pour objet de « garantir la proportionnalité de la sanction à l’infraction ».

Aussi, une fois le taux de la sanction fixé au regard de la qualification retenue, l’intervention de l’agent de grade supérieur n’est plus nécessaire au stade de l’information de la société tête de groupe, « le calcul de la majoration s’opérant ensuite de manière purement automatique ».

Il en irait bien entendu sans doute autrement en cas d’évolution de la base légale ou de la qualification initialement retenues.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.