Intégration fiscale : L’absence de production de l’état de suivi ne suffit pas à remettre en cause la qualification de subvention indirecte

Le Conseil d’État censure les juges du fond de s’être fondés sur l’absence de mention sur l’état de suivi des subventions pour dénier aux renonciations à recettes en cause le caractère de subventions indirectes consenties entre sociétés membres d’une intégration fiscale.

Pour mémoire, pour la détermination des résultats des exercices ouverts avant le 1er janvier 2019, les abandons de créances et les subventions directes ou indirectes consentis entre des sociétés membres d’une même intégration fiscale n’étaient pas pris en compte pour la détermination du résultat d’ensemble. Ces aides peuvent toutefois faire l’objet d’une imposition en cas de sortie de l’intégration fiscale (de la société qui a consenti l’aide ou de celle qui l’a reçue).

Afin d’assurer le suivi de ces aides « neutralisées » dont l’imposition est reportée, la société tête d’intégration fiscale doit joindre à la déclaration du résultat d’ensemble de chaque exercice un état de suivi des subventions et abandons de créances précédemment neutralisés au titre d’exercices ouverts avant le 1er janvier 2019 (CGI art. 223 Q ; CGI ann. III art. 46 quater-0 ZL et BOI-IS-GPE-70-20 n°250 et s.). En pratique, il s’agit de l’imprimé 2058-SG, dont le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet entraîne l’application d’une amende égale à 5 % des sommes omises (CGI, article 1763, I).

L’histoire

Dans le cadre d’une vérification de comptabilité portant sur les résultats d’une société mère intégrante au titre d’exercices clos avant 2019, l’administration fiscale a relevé une insuffisance de facturation de services de la société entre des filiales membres de la même intégration fiscale. Elle a ainsi rehaussé le résultat de la société mère et corrélativement de l’intégration fiscale à hauteur de ces insuffisances.

La société a contesté, sans succès, ces rehaussements devant les juges du fond.

En appel, la société se prévalait, à titre subsidiaire, de ce que les insuffisances de facturations pouvaient être regardées comme des subventions indirectes consenties entre sociétés membres de la même intégration fiscale, et de ce fait, neutralisées dans la détermination du résultat d’ensemble.

La CAA a néanmoins refusé de qualifier de subventions indirectes au sens de l’article 223 B, al.6 du CGI, les sommes regardées par l’administration fiscale comme constitutives de minorations de recettes et correspondant aux prestations de service facturées aux filiales pour un prix inférieur à leur prix de revient (CAA Versailles, 6 octobre 2020, n°18VE02221, SAS Ixcore).

La décision du CE

Le Conseil d’État censure la décision de la CAA.

Il reproche à la Cour, pour écarter la qualification de subvention indirecte, de s’être bornée à relever qu’elle n’avait pas été mise en mesure de s’assurer que les sociétés qui avaient bénéficié de ces prestations étaient des filiales du groupe fiscalement intégré, faute de disposer de l’état des abandons de créances ou subventions (imprimé 2058 SG), au titre des exercices en litige.

Il juge dès lors qu’en se fondant sur la seule absence de cet imprimé pour dénier aux renonciations à recettes litigieuses le caractère de subventions indirectes consenties au sein d’un groupe fiscalement intégré, la Cour a commis une erreur de droit. A cet égard, il précise que si la méconnaissance de cette obligation déclarative expose en principe à l’amende de 5 %, elle ne fait toutefois pas obstacle, par elle-même, à la neutralisation des abandons de créance ou des subventions consentis entre sociétés du même groupe.

Il suit en ce sens les conclusions du rapporteur public sous la décision, selon lesquelles : l’obligation déclarative est « un outil utile au contrôle, ce qui explique que l’absence d’accomplissement de cette formalité entraîne l’application de l’amende de 5% prévue à l’article 1763 du CGI, indépendamment de toute rectification du résultat d’ensemble. En revanche, les dispositions du 6e alinéa de l’article 223 B du CGI ne subordonnent pas la neutralisation des subventions intragroupe à la production de l’état déclaratif.

En l’espèce, on notera par ailleurs que :

  • la liste des prestations considérées comme sous-facturées avait été dressée par l’Administration, avec une ventilation par filiale et par exercice, à l’appui d’une demande de renseignements fondée sur l’article L.10 du LPF ;
  • la société avait fourni, dans le cadre de la procédure contentieuse, la liste des sociétés appartenant au périmètre du groupe fiscal intégré.
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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]