La CAA de Nantes juge que le refus de déduction, sur le fondement de l’acte anormal de gestion, de l’intérêt d’un emprunt qui a financé l’achat d’une créance prétendument surévaluée, suppose au préalable d’apporter la preuve que la créance est irrecouvrable.
L’histoire
Une SAS, détenue à 99,2 % par deux époux personnes physiques, a acquis à sa valeur nominale la créance que ces derniers détenaient au crédit de leurs comptes courants d’associés ouverts dans les comptes d’une SARL. La SAS a financé cette acquisition au moyen d’un emprunt bancaire dont elle a déduit les intérêts de son résultat imposable.
A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration estimant que la créance avait été acquise à une valeur nettement supérieure à sa valeur réelle eu égard à la situation financière précaire de la SARL, a qualifié cette opération d’acte anormal de gestion. Elle a par suite rejeté la déduction d’une partie des intérêts supportés au titre de l’emprunt souscrit pour réaliser cette acquisition.
Pour évaluer la valeur réelle de la créance acquise par la SAS, l’Administration a déterminé la valeur du capital social de la SARL par « une méthode combinant la valeur mathématique du capital social et la valeur de productivité ».
La décision de la CAA de Nantes
L’acte anormal de gestion est constitué par l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt (CE, 21 décembre 2018, n°402006, Sté Croë Suisse). Le juge reconnaît ainsi à l’Administration le droit de refuser la déduction d’une charge résultant d’un acte anormal de gestion dès lors que cela contrevient à la gestion commerciale normale de l’entreprise. Toutefois, l’entreprise peut justifier qu’elle a agi dans son intérêt en apportant la preuve de l’existence d’une contrepartie (CE, 26 septembre 2001, n°219825).
La Cour censure la méthode employée par l’Administration. Elle estime en effet que celle-ci aurait dû d’abord établir le caractère irrecouvrable de la créance acquise – en d’autres termes, procéder à une estimation de la capacité de remboursement de la SARL (i.e. durée de remboursement, de sa santé financière, de ses perspectives de croissance et du ratio entre le chiffre d’affaires et l’endettement) – avant de pouvoir remettre en cause la valeur nominale de cette créance.
La Cour procède ensuite à une analyse de la capacité de remboursement de la SARL, et relève qu’au moment de la cession de créance la SARL générait un CA annuel en augmentation, et que les actifs détenus par la SARL permettaient de couvrir son passif existant. Elle précise que la capacité de remboursement de la société devait être appréciée sur la durée.
La CAA de Nantes juge par ailleurs que l’acquisition de la créance litigieuse ne pouvait être regardée comme dépourvue de contrepartie dès lors qu’elle avait permis à la société requérante de prendre le contrôle de la SARL.
Elle déduit de l’ensemble de ces éléments que la société requérante, en procédant au rachat de la créance de ses associés sur la SARL, n’a pas commis d’acte anormal de gestion. De la sorte, les charges financières étaient déductibles.
