Taux d’intérêt limite sur des avances consenties au sein d’un groupe dans le cadre d’un LBO

Le Conseil d’Etat se prononce de manière inédite en jugeant que la situation financière d’une société s’apprécie individuellement au regard de sa situation propre d’emprunteuse et non de son appartenance à un groupe.

Pour rappel, une société peut déduire les intérêts relatifs à des sommes mises à sa disposition par une entreprise liée dans la limite du taux fixé par le 3° du 1 de l’article 39 du CGI pour la déduction des intérêts des avances consenties par ses associés. Il peut toutefois être substitué à ce taux limite celui que l’entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements financiers indépendants dans des conditions analogues, s’il est supérieur (CGI, art. 212, I-a).

En l’espèce, dans le cadre d’un LBO, les sociétés du groupe cible ont pu obtenir des avances auprès des sociétés chargées de porter les dettes contractées auprès d’une banque, au même taux que celui consenti par la même banque à la holding de reprise.

Dans le cadre de ces accords, une société du groupe avait bénéficié d’avances à un taux de 8,2803 %, supérieur à celui admis de plein droit entre sociétés liées.

Le Conseil d’Etat rejette la déduction des intérêts excédentaires en jugeant que la société ne prouve pas que ce taux soit le même que celui qu’elle aurait pu obtenir d’un établissement financier indépendant dans des conditions analogues. Il écarte notamment les arguments suivants :

  • le taux était identique à celui obtenu pour le financement du groupe 
  • la situation de la société ne lui permettait pas d’emprunter directement auprès d’un établissement financier 
  • des revues financières professionnelles montraient que le taux obtenu dans le cadre du contrat de financement correspondait à ceux pratiqués en moyenne sur cette période pour le même type d’opération

Pour apprécier le caractère normal des intérêts payés au sein d’un groupe intégré, le juge avait déjà considéré que l’appartenance à un groupe ne peut être prise en compte que dans la mesure où elle a une influence sur la solvabilité de l’emprunteuse qu’il appartient à l’Administration de prouver (CE, 19 juin 2017, n° 392543). Il précise aujourd’hui que pour déterminer le taux dans la limite de laquelle une société peut déduire les intérêts qu’elle verse à une société liée, il ne doit être tenu compte que de sa situation propre d’emprunteuse et non de son appartenance à un groupe.

Avis du praticien : Eric Lesprit

Bien que contraire à la position de la société, cet arrêt apporte une note d’optimisme dans ce paysage très sombre de la déduction des intérêts financiers. La reconnaissance par le Conseil d’Etat que l’appartenance à un groupe ne doit pas être prise en compte permettra de faire échec à l’un des arguments des services de contrôle qui motivent leurs rectifications, de manière pratiquement systématique, notamment par le soutien que pourra apporter le groupe et qui conduirait à retenir un taux d’intérêt moins élevé, à raison du risque ainsi plus faible.

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Patrick Fumenier

Patrick Fumenier a été avocat associé en charge de développer le knowledge management au sein de Deloitte Société d’Avocats de septembre 2016 jusqu’à son départ du Cabinet en janvier 2020. […]

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Eric Lesprit

Eric a plus de 25 ans d’expérience en matière de fiscalité internationale, notamment en matière de prix de transfert. Il a exercé différentes responsabilités au sein de la Direction Générale […]