Taxe sur les services numériques : transmission d’une QPC au Conseil constitutionnel

Le Conseil d’État vient de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la taxe sur les services numériques (taxe GAFA/DST/TSN).

Contexte

La loi du 24 juillet 2019 (n°2019-759) a instauré une taxe sur les services numériques de 3 %, appliquée au chiffre d’affaires annuel généré par (i) des services d’intermédiaires fournis par une interface numérique et (ii) des services de publicité ciblée, fournis en France.

Cette taxe, applicable depuis 2019, pèse sur les grandes entreprises du secteur numérique établies en France ou à l’étranger.

Les dispositions encadrant cette taxe ont initialement été codifiées aux articles 299 à 300 du CGI avant d’être re-codifiées aux articles L. 453-45 à L. 453-83 du CIBS (Ordonnance n°2023-1210 du 20 décembre 2023).  

La demande de transmission de QPC

Une société ayant sollicité la restitution de la taxe sur les services numériques acquittée au titre de l’exercice 2019 a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité sur les dispositions des articles 299, 299 bis et 299 quater du CGI (champ d’application et assiette de la taxe), dans leur rédaction issue de la loi du 24 juillet 2019 ainsi que sur le dernier alinéa du III de l’article 1 de la loi du 24 janvier 2019 (dispositions relatives au calcul de la taxe au titre de l’année 2019).  

La société soutient que les dispositions précitées portent atteinte au principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 de la DDHC et au principe d’égalité devant les charges publiques garanti par son article 13.

En particulier, elle souligne :

  • La rupture d’égalité entre les redevables de la taxe selon qu’ils sont ou non assujettis à l’IS/établis en France ;
  • La différence de traitement d’un même service selon qu’il est ou non fourni sur un support numérique ;
  • La différence de traitement entre 2 sociétés proposant un même service en France selon qu’elles appartiennent ou non à un groupe consolidé (appréciation des seuils au niveau du groupe consolidé) ;
  • L’  « irrationalité » de la territorialité de la taxe et des modalités de calcul du « coefficient de présence nationale » ;
  • La contrariété au principe d’égalité devant la loi des exclusions prévues par ces dispositions (pour rappel, la LF 2023 est venue préciser les conditions d’application de certaines exclusions).   

Le Conseil d’État accepte de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel dans la mesure où :

  • les dispositions dont la conformité à la Constitution sont contestées sont applicables au litige ;
  • ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution ;
  • le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux principes d’égalité devant la loi fiscale et les charges publiques soulève une question présentant un caractère sérieux.

Le Conseil constitutionnel dispose désormais de 3 mois pour se prononcer (soit avant le 17 septembre 2025).

Rappelons que le Conseil constitutionnel dispose d’une très grande liberté pour fixer les effets dans le temps de ses décisions.

Il peut ainsi notamment prononcer une décision d’inconstitutionnalité avec effet différé (pour laisser au législateur le temps de modifier les dispositions déclarées inconstitutionnelles), ou avec effet immédiat, en limitant alors sa portée aux seules instances en cours à la date de publication de sa décision (précisons que cette formulation recouvre en principe les réclamations contentieuses introduites avant cette date).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.

Agathe Saint Joanis

Agathe Saint Joanis a intégré Deloitte Société d’Avocats en 2019. Elle y a rejoint l’équipe du Comité Scientifique Fiscal.