Nature de la QPFC de 5 % sur dividendes : Le CE a tranché !

Le Conseil d’État vient d’annuler la partie du BOFIP mentionnant que la QPFC de 5 % des dividendes ouvrant droit au régime mère-fille « fixe un mode de calcul pour la réintégration des charges afférentes à des produits qui ne sont pas imposés et ne peut s’analyser comme conduisant à l’imposition d’une partie des dividendes » (BOI-IS-BASE-10-10-20 § 100).

Il pose un principe très clair : les dispositions de l’article 216 du CGI doivent être regardées non comme ayant pour seul objet de neutraliser la déduction, opérée au titre de ses frais généraux, des charges afférentes aux titres de participation dont les produits sont exonérés d’IS, mais comme visant à soumettre à l’IS, lorsque le montant des frais est inférieur à cette quote-part forfaitaire, une fraction des produits de participations bénéficiant du régime des sociétés mères (point 4 de la décision).

Rappel

Pour mémoire, le Conseil d’État a révélé en fin d’année 2021 la vraie nature de la quote-part de frais et charges (QPFC) de 12 % applicable en matière de plus-value à long terme (PVLT). Contrairement à sa dénomination, cette QPFC ne vise pas à empêcher la déduction de charges engagées pour générer une PV exonérée mais elle masque en réalité une imposition dudit revenu à un taux réduit. Dès lors, la doctrine qui interdit l’imputation des crédits d’impôt étrangers prétextant l’absence d’imposition effective des PVLT (CGI, art. 219 , I, a quinquies) a été invalidée dans un arrêt Air Liquide du 15 novembre 2021 (n°454105).

Dans la même lignée, la CAA de Lyon a décliné la solution rendue par le Conseil d’État dans sa décision L’Air Liquide au cas des dividendes éligibles au régime mère-fille (CGI, art. 216 et 145). Elle a ainsi jugé que les entreprises pouvaient prétendre à l’imputation de leur crédit d’impôt issu de l’impôt acquitté à l’étranger au titre des dividendes versés, sur leur impôt français, dans les limites prévues par les conventions fiscales (CAA Lyon, 27 janvier 2022, n°20LY00698).  

La Cour lyonnaise avait justifié cette solution par le fait que la soumission à l’impôt sur les sociétés d’une QPFC correspondant à 5 % des dividendes doit s’analyser comme une imposition effective de ces revenus.

La décision du CE

À son tour, le Conseil d’État vient d’annuler, dans le cadre d’un REP, la décision implicite par laquelle le Ministre a rejeté l’abrogation des commentaires administratifs énonçant que la QPFC de 5 % se rapporte à des produits non imposés et ne peut s’analyser comme une imposition d’une partie des dividendes.

À ce titre, il juge que « compte tenu du caractère forfaitaire de la QPFC qu’une société mère doit réintégrer à son bénéfice en application du I de l’article 216 du code général des impôts, sans possibilité pour cette dernière de limiter cette réintégration au montant réel des frais et charges de toute nature exposés par elle au cours de la période d’imposition en vue de l’acquisition ou la conservation des revenus correspondants, les dispositions citées au point 2 doivent être regardées non comme ayant pour seul objet de neutraliser la déduction, opérée au titre de ses frais généraux, des charges afférentes aux titres de participation dont les produits sont exonérés d’impôt sur les sociétés, mais comme visant à soumettre à cet impôt, lorsque le montant des frais est inférieur à cette quote-part forfaitaire, une fraction des produits de participations bénéficiant du régime des sociétés mères. »

Autrement dit, il estime que la QPFC de 5 % applicable aux dividendes n’étant pas limitée au montant des frais réels engagés par la société au titre des produits de participation considérés, cette QPFC doit être regardée comme une imposition pour ce qui est de la fraction de la QPFC de 5 % excédant les frais réels.

Cette décision est une bonne nouvelle pour les entreprises, et va dans le sens de nos précédentes analyses.

Les entreprises dans la situation suivante ont tout intérêt à présenter des réclamations :

  • avoir perçu des dividendes de filiales situées dans un État ayant signé une convention fiscale avec la France prévoyant un CI au titre des RAS prélevées sur dividendes
  • avoir supporté un impôt à l’étranger (RAS) dans l’État de source des dividendes au titre de ces dividendes ;
  • avoir soumis lesdits dividendes au régime mère‑fille ;
  • être bénéficiaires fiscalement au titre de l’exercice considéré ;
  • ne pas avoir imputé le crédit d’impôt issu de l’impôt acquitté à l’étranger sur l’impôt français ;
  • avoir supporté des frais réels se rapportant à ces dividendes d’un montant inférieur à la QPFC de 5 %.

Rappelons que pour les dividendes versés au titre de l’exercice 2019 (IS payé en 2020), le délai de réclamation expire au 31 décembre 2022.

À noter :

Sur le quantum du crédit d’impôt étranger imputable : À ce titre, reste encore à savoir s’il faut considérer la QPFC réintégrée au titre des dividendes comme une imposition pour le tout (i.e. dès lors qu’elle excède les frais réels engagés) ou en partie seulement (i.e. pour la fraction excédant les frais réels engagés).

Le Conseil d’État ne s’est pas expressément prononcé sur la question, suivant en ce sens les conclusions du rapporteur public sous la décision :

« Il nous faut cependant observer que vous n’aurez pas réglé toutes les difficultés : demeure en effet la question de l’ampleur de l’économie d’impôt susceptible d’être réalisée, qui est au fond la seule qui intéresse vraiment… ».

De même, s’ajoute la délicate question des modalités de mise en œuvre de la règle du butoir.

Photo de Sandrine Rudeaux
Sandrine Rudeaux

Sandrine offre à ses clients une expertise incontournable en matière de contentieux fiscal dans un environnement fiscal national et international en profonde mutation. Ancienne magistrate à la Cour administrative d’appel […]

Photo de Alice de Massiac
Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

Photo de Myriam Mouloudj
Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]