Dans quel délai une PME peut-elle demander le remboursement de sa créance de CIR ?

Rappels sur l’utilisation du crédit impôt recherche

Le CIR de l’année N est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice N.
Nota : Pour les entreprises qui ne clôturent pas au 31 décembre, le CIR N est imputé sur l’exercice N/N+1.

Le crédit excédentaire constitue une créance sur l’État, qui peut être utilisé pour le paiement de l’IS dû au titre des trois exercices suivants. La fraction non utilisée à la fin de cette période est remboursable.

Cependant certaines sociétés – telles les PME au sens européen, les jeunes entreprises innovantes ou les entreprises sous procédure de conciliation, sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires -, peuvent demander le remboursement immédiat de leur créance de CIR.

Sous quel délai demander le remboursement de la créance de CIR ?

La CAA de Toulouse avait jugé que la naissance du droit à remboursement de la fraction du CIR non imputée constitue la réalisation de l’événement qui motive la réclamation, au sens de l’article R.196-1, c du LPF (CAA Toulouse, 28 septembre 2023, n° 21TL24510, Natixis).

En d’autres termes, pour obtenir le remboursement de leur créance de CIR, les sociétés doivent déposer leur réclamation (formulaires 2572-SD ou 2573-SD) auprès de l’administration fiscale avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle la créance de CIR est devenue remboursable.

Ainsi, pour les sociétés ne bénéficiant pas du remboursement immédiat et clôturant au 31 décembre, le remboursement de la créance de CIR N peut être demandé jusqu’au 31 décembre N+6 (la créance de CIR étant devenue remboursable en N+4).  

Qu’en est-il pour les entreprises bénéficiant du remboursement immédiat de leur créances de CIR ?
Le délai général de réclamation précité leur est-il applicable, ou doivent-elles demander le remboursement de leur CIR dans un délai plus court, soit avant le 31 décembre N+3 (la créance CIR étant dans leurs cas immédiatement remboursable en N) ?

Certaines juridictions jugeaient, de manière favorable aux sociétés bénéficiant du remboursement immédiat, que le dépôt du formulaire déclaratif de CIR n°2069-A-SD valait demande de remboursement immédiat (cf. notamment CAA Lyon, 28 septembre 2023, n° 23LY02588, Ingelux et TA Nice, 19 octobre 2023, n° 2003543, Scaleo Chip) – ainsi aucune prescription n’était opposable aux sociétés. Au contraire, le tribunal administratif de Montpellier jugeait que les sociétés ne pouvaient plus demander le remboursement de leur créance de CIR N postérieurement au 31 décembre N+3 (TA Montpellier, 3 juillet 2023, n° 2103911, Institut Coopératif du Vin, et TA Montpellier, 23 décembre 2024, n° 2205057, Bionatics)

La décision de la Cour administrative d’appel de Toulouse

L’Institut Coopératif du Vin (ICV), PME, avait demandé le remboursement de ses créances de CIR et de CII 2016, fin 2020. L’administration fiscale rejetait sa demande au motif de sa tardiveté. Selon elle, la société qui bénéficiait du remboursement immédiat de sa créance de CIR et de CII 2016 aurait dû en demander le remboursement avant le 31 décembre 2019.

En première instance, le TA de Montpellier avait retenu que la société clôturant au 30 juillet, son CIR 2016, était immédiatement remboursable à compter de la date de liquidation de l’IS dû au titre de l’exercice clos le 30 juillet 2017 (intervenue à une date non précisée et au plus tard le 15 novembre 2017). La demande de remboursement aurait dû être effectuée avant la fin de la deuxième année suivant cette date, soit avant le 31 décembre 2019.

Après avoir constaté que « l’Institut Coopératif du Vin n’a pas sollicité le remboursement immédiat de sa créance, comme le lui permettaient les dispositions du II de l’article 199 ter B du code général des impôts, ni manifesté son intention d’en bénéficier », la CAA de Toulouse donne droit à la demande de remboursement du contribuable aux motifs que « […] les dispositions du II de l’article 199 ter B du code général des impôts, qui instituent un droit au remboursement immédiat en faveur des entreprises qu’elles visent, ne font pas obligation à ces dernières d’en faire usage. ».

Par conséquent, les demandes de remboursement de l’ICV intervenues fin 2020 n’étaient pas tardives, puisque le délai de remboursement de droit commun ne commençait à courir qu’à compter de la date de liquidation de l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice 2020 (soit le 15 novembre 2020) et s’achevait le 31 décembre 2022.

Selon la Cour administrative d’appel de Toulouse, le droit au remboursement immédiat de la créance de CIR instauré par le II de l’article 199 ter B du CGI ne s’impose pas aux entreprises. Celles-ci ont donc le choix de se placer sous les conditions d’utilisation de droit commun, à savoir l’imputation du CIR sur l’IS de l’exercice, puis sur celui des trois exercices suivants, avant de demander le remboursement du reliquat éventuel.

Ces entreprises ne sont donc pas soumises à des conditions différentes d’utilisation de leur CIR, mais bénéficient d’une prérogative supplémentaire.

Selon l’analyse de la Cour, pour que cette prérogative soit effective, les entreprises devront présenter une demande expresse de remboursement immédiat – avant le 31 décembre de la deuxième année suivant la naissance du droit au remboursement immédiat de la créance, le formulaire de déclaration n°2069-A-SD ne constituant pas une telle demande de remboursement immédiat.  Si elles ne respectent pas ce délai, elles doivent alors attendre, pour obtenir le remboursement du CIR de l’année N, la liquidation de l’IS de l’exercice N+3, et ont alors, comme pour toutes les entreprises, jusqu’au 31 décembre N+6 pour déposer leur demande.

Dans l’attente d’une décision du Conseil d’État sur ce sujet, et afin d’éviter toute forclusion, on recommandera aux entreprises de déposer leurs demandes de remboursement dès la naissance du droit au remboursement.

  • Cour administrative d’appel, Toulouse, 05 juin 2025, n° 23TL02231, Institut Coopératif du Vin
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Jean-Charles Reny

Jean-Charles, Avocat, est associé de la ligne de service « R&D » (GI3) du cabinet. Après avoir géré des problématiques fiscales pour de grands groupes internationaux (M&A, Supply Chain, ou […]

Béatrice Prim

Béatrice, Avocate Directeur rattachée à l’équipe R&D depuis 2010, conseille ses clients en matière de CIR (sécurisation, défense lors des contrôles fiscaux) et coordonne des missions sur les régimes incitatifs à […]