Dans une décision récente (n°461258, 29 novembre 2023), le Conseil d’État juge que la qualification fiscale du gain réalisé au sein d’un PEA n’a aucune incidence sur le principe de l’imposition aux prélèvements sociaux de ce gain lors du retrait ultérieur.
Un peu plus de deux auparavant, le Conseil d’État, en assemblée plénière rendait 3 arrêts fondamentaux en matière de management package (CE, 13 juillet 2021, n°428506 ; CE, 13 juillet 2021, n°435452 ; CE, 13 juillet 2021, n°437498). (Cf. Management package : Imposition dans la catégorie salaires des gains liés à l’exercice de fonctions dans l’entreprise, et non en plus-values).
Faisons une application fidèle des principes dégagés dans ces 3 arrêts, les juridictions avaient par la suite rendu des décisions dans leur grande majorité défavorables aux contribuables, ne trouvant dans les affaires examinées que des indices conduisant à une requalification de la plus-value en salaire.
La décision rendue par le Conseil d’État le 29 novembre 2023 est la suite d’une des affaires ayant fait l’objet d’un arrêt du Conseil d’État le 13 juillet 2021. Au cas particulier, les actions et les BSA, sur lesquels une plus-value avait été réalisée, étaient logés au sein d’un PEA.
Une application inconditionnelle des prélèvements sociaux sur les gains réalisés lors du retrait du PEA…
Le Conseil d’État considère que le gain réalisé lors de la cession des actions et des BSA au sein du PEA n’avait pas la nature d’un gain en capital taxable dans la catégorie des plus-values, mais d’un complément de rémunération taxable en salaire.
La lecture des faits de cette nouvelle décision nous apprend que le contribuable avait opéré des retraits partiels de son PEA qui ont été soumis aux prélèvements sociaux sur les produits de placement dont le taux d’imposition global est à ce jour de 17,2 % (i.e. 9,2 % de CSG, 0,5 % de CRDS et 7,5 % de prélèvement de solidarité).
Le contribuable demandait à l’administration fiscale la restitution de ces prélèvements sociaux au motif que la valeur liquidative de son PEA provenait pour l’essentiel du gain requalifié en salaire et que cette requalification ferait, par essence, obstacle à une imposition aux prélèvements sociaux.
Après avoir été débouté en 1re instance ainsi qu’en appel, il s’est pourvu en cassation.
… nonobstant la reconnaissance d’un gain ayant la qualité de revenu du travail
Le Conseil d’État considère, au visa de l’article L136-7 II 5 du code de la sécurité sociale que les gains résultant des retraits sur un PEA sont toujours assujettis aux prélèvements sociaux sur les produits de placement (17,2 % actuellement), quand bien même une partie des sommes retirées ont été imposées dans la catégorie des traitements et salaires.
En conséquence, le gain net réalisé ne saurait emporter restitution automatique des prélèvements sociaux prélevés lors d’un retrait.
La Rapporteure Publique fait valoir une approche fongible et globalisante des titres et des liquidités figurant sur le compte titres et le compte espèces : les sommes correspondant au gain imposé en salaires ont été fondus avec les autres liquidités et n’auraient plus d’existence fiscale.
L’avis des praticiens
Le Conseil d’État légitime ici une situation paradoxale : un même revenu pourrait être à la fois qualifié de revenu de travail et de produits de placement, sans qu’aucun dispositif de correction ne soit prévu à ce jour.
Nous sommes en droit de nous demander si la décision rendue aurait été la même si le contribuable avait, par ailleurs, été soumis aux cotisations sociales sur les revenus du travail.
Une telle situation aurait conduit à une double imposition économique en matière de CSG (9,2 %) et de CRDS (0,5 %), voir même à une situation où les prélèvements obligatoires seraient supérieurs aux revenus générés. L’application des prélèvements obligatoires, d’un point de vue fiscal et en matière URSSAF, pourrait en effet conduire à un taux effectif d’imposition confiscatoire de 116 % , en cas d’application de la majoration de 80 % (le tribunal de 1re instance avait ici prononcé la non-application de cette pénalité).
La remise en question de la double imposition est tout à fait légitime dans la mesure où l’analyse conduite par l’administration fiscale en matière d’impôt sur le revenu peut s’avérer diamétralement opposée à celle conduite par les URSSAF en matière de cotisations sociales sur les revenus d’activité.
Il est à souhaiter que les cas de double imposition ne se multiplient pas puisque, rappelons, le Conseil d’État a posé le principe d’une imposition des gains de cession en plus-value.
Dans les situations résiduelles où les indices pencheraient en faveur d’une requalification en salaire d’instruments financiers investis en PEA, il est urgent de déployer une stratégie fiscale permettant d’éviter que les montants des prélèvements obligatoires n’excèdent pas les revenus réalisés.