QPFC sur dividendes et imputation des crédits d’impôts étrangers : une 1re application positive par le juge de l’impôt

Le TA de Montreuil vient d’admettre, pour la 1re fois à notre connaissance, l’imputation par une société française de crédits d’impôts étrangers sur l’impôt dû à raison de la QPFC de 5 % sur les dividendes perçus de filiales étrangères (1re application concrète des principes dégagés par le Conseil d’État dans ses décisions Axa et Raymond).

Eléments de contexte

Le Conseil d’État a annulé, au cours de l’été 2022, la partie du BOFIP indiquant que la QPFC de 5 % sur les dividendes ouvrant droit au régime mère-fille « fixe un mode de calcul pour la réintégration des charges afférentes à des produits qui ne sont pas imposés et ne peut s’analyser comme conduisant à l’imposition d’une partie des dividendes » (BOI-IS-BASE-10-10-20 § 100, dans sa rédaction antérieure au 26 juin 2024).

Il a ainsi posé un principe très clair : les dispositions de l’article 216 du CGI doivent être regardées non comme ayant pour seul objet de neutraliser la déduction, opérée au titre de frais généraux, des charges afférentes aux titres de participation dont les produits sont exonérés d’IS, mais comme visant à soumettre à l’IS, lorsque le montant des frais est inférieur à cette quote-part forfaitaire, une fraction des produits de participation bénéficiant du régime des sociétés mères (CE, 5 juillet 2022, n°463021, Axa).

Puis, en avril 2023, il est venu apporter des précisions sur les modalités pratiques d’imputation des crédits d’impôts étrangers sur l’impôt dû à raison de la QPFC de 5 % sur les dividendes (CE, 7 avril 2023, n°462709, Sté A. Raymond et Cie).

Il a jugé que lorsque le montant des frais réellement exposés pour l’acquisition ou la conservation des dividendes est inférieur à la QPFC de 5 %, alors l’impôt français dans la limite duquel est imputé le crédit d’impôt étranger correspondant à la RAS sur dividendes est égal au butoir suivant : Taux de l’impôt français*(QPFC-frais réellement exposés).

Restait toutefois en suspens la question de la justification du montant des frais réels liés aux participations étrangères.

Bien que l’Administration a, depuis, mis à jour ses commentaires au BOFiP pour y intégrer les apports des décisions Axa et Raymond, elle n’y a apporté aucun élément de précision complémentaire (BOI-IS-BASE-10-10-20, § 100, 26 juin 2024).

De plus, si plusieurs juridictions du fond ont été saisies de la question – notamment dans l’affaire Raymond sur renvoi après cassation – aucune n’en avait fait, jusqu’alors, une application positive, faute pour les sociétés requérantes d’être parvenues à apporter la preuve du montant des frais réellement exposés pour l’acquisition ou la conservation de ces produits de participation (CAA Paris, 11 octobre 2023, n°21PA05034, Sté Rocher Participations ; CAA Lyon, 6 février 2025, n°23LY01233, Sté A. Raymond et Cie).

L’histoire

La société mère d’un groupe fiscalement intégré, ainsi que plusieurs de ses filiales intégrées, ont perçu au titre des exercices 2014 et 2015 des dividendes de filiales établies en dehors de l’UE (Côte d’Ivoire, Maroc, Sénégal, Indonésie, Chili).

Ces distributions ont bénéficié du régime mère-fille.

Devant le TA de Montreuil, la tête de groupe a demandé, à titre principal, l’extension de la jurisprudence « Stéria » aux dividendes provenant de ses filiales et sous-filiales « intégrables » établies dans des Etats tiers à l’UE (c’est-à-dire la neutralisation de la QPFC de 5 %) et, à titre subsidiaire, la faculté d’imputer, à tout le moins, les crédits d’impôts étrangers correspondant aux RAS étrangères sur l’IS dont elle était redevable au titre des exercices considérés.

La décision du TA de Montreuil

Sur la non-extension de la jurisprudence « Stéria » aux dividendes en provenance de filiales intégrables situées dans un Etat tiers à l’UE

Sans surprise, en application d’une jurisprudence désormais bien établie, le TA de Montreuil juge que la législation française réservant le bénéfice de la neutralisation de la QPFC (aujourd’hui, QPFC réduite au taux de 1 %) aux seuls dividendes provenant de filiales françaises ou européennes « intégrables » n’est contraire ni au droit de l’Union européenne, ni à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (voir CE, 7 mai 2025, n°489957, Sté Axa).

Sur l’imputation des crédits d’impôts étrangers

Après avoir rappelé les principes dégagés par le Conseil d’État dans ses décisions Axa et Raymond, le TA de Montreuil admet en l’espèce l’imputation des crédits d’impôts conventionnels correspondant aux RAS prélevées à l’étranger sur l’impôt acquitté en France à raison de la QPFC de 5 % sur les dividendes, selon les modalités précisées dans la décision Raymond.

En l’espèce, la société mère du groupe a fourni :

  • Les attestations de versement des RAS émanant des autorités fiscales des Etats tiers dans lesquels ses filiales étaient établies;
  • Les PV d’AG des filiales étrangères prévoyant le versement des dividendes ;
  • Les déclarations 2058 A des sociétés intégrées ayant perçu ces dividendes indiquant la réintégration de la QPFC de 5 % ;
  • Les déclarations 2066 des revenus mobiliers perçus à l’étranger (déclarations mentionnant les crédits d’impôts à imputer) ;
  • Un tableau de détermination des frais et charges réellement engagés par les sociétés intégrées.

On relèvera que l’Administration n’a émis aucune observation sur le montant sollicité par la requérante, ni sur les pièces produites, et s’en est remise « à la sagesse du Tribunal » sans contester le bien-fondé de la demande de restitution.

  • TA Montreuil, 5 juin 2025, n°2208423, Vinci
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Alice de Massiac

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.

Agathe Saint Joanis

Agathe Saint Joanis a intégré Deloitte Société d’Avocats en 2019. Elle y a rejoint l’équipe du Comité Scientifique Fiscal.