QPFC sur dividendes et modalités d’imputation des crédits d’impôt étrangers : nouvelles précisions jurisprudentielles

La CAA de Paris précise que c’est à la société qui entend imputer des crédits d’impôts étrangers sur l’impôt acquitté en France à raison de la QPFC de 5 % sur les dividendes, qu’il incombe d’apporter la preuve du montant des frais réellement exposés pour l’acquisition ou la conservation de ces produits de participation.

Rappel

Le Conseil d’État a annulé, au cours de l’été 2022, la partie du BOFIP indiquant que la QPFC de 5 % sur les dividendes ouvrant droit au régime mère-fille « fixe un mode de calcul pour la réintégration des charges afférentes à des produits qui ne sont pas imposés et ne peut s’analyser comme conduisant à l’imposition d’une partie des dividendes » (BOI-IS-BASE-10-10-20 § 100).

Il a ainsi posé un principe très clair : les dispositions de l’article 216 du CGI doivent être regardées non comme ayant pour seul objet de neutraliser la déduction, opérée au titre de frais généraux, des charges afférentes aux titres de participation dont les produits sont exonérés d’IS, mais comme visant à soumettre à l’IS, lorsque le montant des frais est inférieur à cette quote-part forfaitaire, une fraction des produits de participation bénéficiant du régime des sociétés mères (CE, 5 juillet 2022, n°463021, Axa).

Puis, en avril 2023, il est venu apporter des précisions sur les modalités pratiques d’imputation des crédits d’impôts étrangers sur l’impôt dû à raison de la QPFC de 5 % sur les dividendes (CE, 7 avril 2023, n°462709, Sté A. Raymond et Cie).

Il a jugé que lorsque le montant des frais réellement exposés pour l’acquisition ou la conservation des dividendes est inférieur à la QPFC de 5 %, alors l’impôt français dans la limite duquel est imputé le crédit d’impôt étranger correspondant à la RAS sur dividendes est égal au butoir suivant : Taux de l’impôt français*(QPFC-frais réellement exposés).

Restait toutefois en suspens la délicate question de la justification du montant des frais réels liés aux participations étrangères.

L’histoire

Des sociétés françaises, membres d’un groupe fiscalement intégré, ont perçu, en 2016, des dividendes éligibles au régime mère-fille, versés par leurs filiales établies dans des Etats tiers à l’UE/EEE. Ces dividendes ont été retranchés du résultat fiscal des sociétés, sous déduction d’une QPFC de 5 %.

La mère intégrante a d’abord contesté l’application de cette QPFC de 5 % sur le terrain de la jurisprudence Stéria, en vain (pour d’autres décisions refusant l’extension du bénéfice de la jurisprudence Stéria aux distributions effectuées par des sociétés dans des Etats tiers, voir aussi, Conseil constitutionnel, 13 avril 2018, n°2018-699 QPC, Life Sciences Holdings, CAA Versailles, 14 avril 2022, n°19VE03912, Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher et 14 avril 2022, n°19VE03926, Société Générale, CAA Paris, 6 octobre 2023, n°21PA00260, voir ci-avant).

Puis, devant la CAA de Paris, elle a demandé, à titre subsidiaire, l’imputation des crédits d’impôts conventionnels correspondant aux RAS prélevées à l’étranger sur les dividendes, sur le fondement de la décision Axa précitée.

La décision de la CAA de Paris

Après avoir rappelé les principes dégagés par le Conseil d’Etat dans ses décisions Axa et Sté A. Raymond et Cie, la CAA de Paris écarte une telle imputation en l’espèce, considérant que les sociétés n’établissaient pas, comme il leur incombait, qu’elles n’auraient exposé aucun frais pour l’acquisition ou la conservation des produits des participations de leurs filiales situées à l’étranger.

Au cas d’espèce, la requérante se bornait à produire une « simple liste, établie par ses soins pour les besoins de la cause » des charges exposées au cours de l’exercice considéré.

La Cour relève que ce simple document ne suffit à établir :

  • ni l’exactitude des montants de charges qui y figurent ;
  • ni même, « par leur libellé descriptif », que les charges ou frais généraux en question ne pourraient, par nature, être rattachés, au moins en partie, à l’acquisition ou la conservation des produits de participations litigieux.

On attendra des précisions complémentaires au fil des prochaines décisions jurisprudentielles.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.