Le TA de Montreuil admet d’appliquer à des revenus réputés distribués (résultant d’un redressement prix de transfert) le bénéfice du taux réduit de 15 % prévu par la convention franco-brésilienne applicable aux dividendes, non par application de la convention elle-même (définition étroite de la notion de dividendes), mais en application des termes de l’instruction administrative en commentant les dispositions.
L’histoire
L’Administration a redressé, sur le fondement de l’article 57 du CGI (transfert indirect de bénéfices à l’étranger) la société française Accor à hauteur des prestations non facturées en 2010 à sa filiale brésilienne et constituant des renonciations à recettes.
Les sommes litigieuses ont été qualifiées de revenus distribués en application des articles 109,1,1°, et soumises à la retenue à la source de droit interne de l’article 119 bis (au taux de 25 % à l’époque – exercices 2010 et 2013-2015 ; RAS applicable au taux de droit de commun de l’IS aujourd’hui, soit 26,5 % pour 2021).
Devant le TA de Montreuil, la société a tenté de contester l’application de la RAS elle-même ; à titre subsidiaire, elle revendiquait l’application du taux réduit de 15 % prévu par la convention franco-brésilienne.
Sur l’application de la RAS elle-même
La société brésilienne contestait l’application de la RAS, en ce qu’elle n’aurait pas été le bénéficiaire effectif des sommes litigieuses. Elle arguait, à cet égard, que celles-ci lui avaient permis, dès l’exercice suivant, de distribuer des dividendes au profit direct et indirect de sa société mère française ou de son groupe d’intégration fiscale.
L’argument est écarté par le TA, qui relève que la filiale brésilienne a eu la libre disposition des sommes réputées distribuées et doit, à cet égard, être regardée comme le bénéficiaire effectif des sommes initialement appréhendées.
Le TA semble ici s’appuyer sur une décision Bedrossian du Conseil d’État, dans le cadre de laquelle celui-ci avait jugé que le remploi ultérieur des bénéfices n’avait pas pour effet de leur ôter le caractère de revenus de capitaux mobiliers imposables au titre de l’année de leur mise à disposition entre les mains du contribuable (CE, 5 mars 1993, n°88403).
Sur le taux de la RAS
À titre subsidiaire, la société revendiquait l’application du taux réduit de 15 % prévu par l’article 10 de la convention franco-brésilienne relatif aux dividendes.
Or, l’article 10, 5 de la convention franco-brésilienne (conforme pour l’essentiel au modèle OCDE) retient une définition relativement étroite de la notion de dividendes – par opposition aux conventions plus modernes – :
« Le terme « dividende » employé dans le présent article désigne les revenus provenant d’actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateurs ou autres parts bénéficiaires à l’exception des créances, ainsi que les revenus d’autres parts sociales assimilés aux revenus d’actions par la législation fiscale de l’État dont la société distributrice est résidente ».
De plus, la convention franco-brésilienne ne dispose pas de clause-balai sur les revenus non dénommés, qui attribuerait l’imposition de ces revenus à l’État de résidence du bénéficiaire.
Si le comité des affaires fiscales de l’OCDE considère que l’assimilation des distributions occultes à des dividendes est permise lorsque la clause relative aux dividendes est conforme au modèle OCDE (commentaires OCDE, C (10) n°28), tel n’est pas la position retenue par le Conseil d’État (notamment CE 19 décembre 1986, n°54101 pour l’ancienne convention franco-allemande, ou encore CE 27 juillet 1984, n°16649, pour la convention franco-belge).
En ligne avec la position du CE, le TA considère sans surprise que les revenus réputés distribués n’entrent pas dans la définition des dividendes retenue par la convention, et ne peuvent, en principe, pas bénéficier du taux réduit.
Mais la société se prévalait également de l’opposabilité d’une instruction administrative de 1972 (BOI 14-B-17-73, reprise au BOI-INT-CVB-BRA, 12 août 2015) relative à la convention franco brésilienne. Dans ses commentaires, l’Administration indique, sans ambiguïté, que la définition de dividendes retenue par la convention couvre « du côté français, tous les produits considérés comme revenus distribués au sens du CGI » (point 150). Le TA relève qu’une telle définition inclut « nécessairement les revenus distribués au sens des dispositions de l’article 109 du CGI ».
L’Administration a tenté de se défendre en invoquant une instruction postérieure (1991) et contradictoire. Celle-ci n’ayant toutefois jamais été publiée régulièrement au BOI (et non reprise au BOFiP), l’argument avancé par l’Administration est rejeté par le TA.
On notera qu’un appel a été interjeté devant la CAA de Paris le 15 octobre 2020 (sous le numéro 20VE02607).
- TA Montreuil, 7 juillet 2020, n°1807991, Sté Accor