Application de la TVA sur la marge aux ventes de terrains à bâtir issus d’une division de propriété

L’Administration assouplit sa doctrine relative aux opérations de ventes de terrains à bâtir issus d’une division de propriété. Ainsi, dans les cas où l’acquisition n’a pas ouvert de droit à déduction, la TVA doit être calculée sur la marge et non sur le prix total de cession dès lors que la « condition d’identité juridique » est satisfaite.

Les livraisons d’immeubles sont, en principe, soumises à la TVA sur le prix total de cession (CGI, art. 266). Par dérogation, si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la TVA, pour les livraisons de terrains à bâtir, imposables à la TVA de plein droit, et pour les livraisons d’immeubles bâtis achevés depuis plus de cinq ans, imposables sur option, l’assiette de la TVA doit être calculée sur la marge (CGI, art. 268).

Selon l’Administration, cette dérogation n’est cependant applicable qu’aux opérations visant des immeubles « acquis et revendus en gardant la même qualification » (BOI-TVA-IMM-10-20-10, n° 20). Ainsi, seules sont taxables à la TVA sur la marge :

  • les reventes de terrains à bâtir acquis antérieurement comme terrains n’ayant pas le caractère d’immeubles bâtis 
  • les reventes d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans précédemment acquis en l’état d’immeuble déjà bâti

Les opérations de construction-vente, de même que les ventes de terrains à bâtir ayant été précédées d’une démolition ne peuvent ainsi bénéficier de cette imposition sur la marge.

Plus encore, l’Administration requiert également que cette condition d’identité soit remplie s’agissant des opérations de ventes de terrains à bâtir issus d’une division de propriété, étant précisé que cette condition prendrait une dimension à la fois juridique et physique.

Ainsi, en 2016, l’Administration a réaffirmé cette position dans plusieurs réponses ministérielles, dans lesquelles elle indiquait qu’« en cas de division parcellaire intervenue entre l’acquisition initiale et la cession ayant entraîné un changement de qualification ou un changement physique, telle une modification des superficies vendues par rapport à celles mentionnées dans l’acte d’acquisition », la taxation devait être faite sur la totalité du prix de cession et non sur la marge. Par exception, lorsque la division précède l’acquisition, l’établissement, avant l’acquisition, d’un document d’arpentage permettant d’identifier les différentes parcelles dans l’acte ou l’obtention d’un permis d’aménager permettrait l’application de la TVA sur la marge (voir notamment, Rm Bussereau, JOAN 20 septembre 2016, p. 8522, n° 96679 et BOI-TVA-IMM-10-10-10-40, n° 10). A défaut, les prix d’achat et de vente porteraient sur des biens différents, rendant impossible le calcul de l’assiette taxable.

Pourtant, sous l’empire du régime antérieur de taxation sur la marge, applicable aux marchands de biens et lotisseurs jusqu’au 10 mars 2010, l’Administration avait admis la possibilité d’un tel calcul dans les cas de revente par lots de terrains à bâtir acquis pour un prix global, en autorisant les acteurs du marché à estimer le prix de revient de chaque lot par imputation sur le prix d’acquisition global (Rm Ducout, JOAN du 5 juillet 2005, p. 6638, n° 52034).

L’Administration vient d’assouplir sa doctrine dans une nouvelle réponse ministérielle. Elle renonce à la condition tenant à l’exigence d’une identité de « caractéristiques physiques » entre biens acquis et revendus. L’Administration maintient cependant la « condition d’identité juridique » au motif, qu’à défaut, selon elle, le régime dérogatoire pourrait s’appliquer à des opérations autres que celle d’achat-revente.

Cette position reste néanmoins plus exigeante que celle retenue par certains tribunaux administratifs, qui ont considéré que « l’application de la TVA en matière de livraison de terrains à bâtir est conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert de droit à la déduction de la TVA » (TA Grenoble, 14 novembre 2016, n° 1403397, SARL Gepim Habitat, jugement définitif et TA Montpellier, 4 décembre 2017, n° 1602770, SARL R., délai d’appel en cours).

On surveillera donc avec attention l’évolution de ce contentieux, dès lors que la doctrine administrative requiert toujours une condition qui ne semble pas prévue par la loi.

L’avis du praticien : William Stemmer

Sur un plan pratique, cette problématique soulève de nombreuses questions :

  • si une condition d’identité juridique doit être remplie, il conviendrait de préciser qu’il s’agit d’une identité au regard des seuls concepts de TVA et non pas au regard d’une autre branche du droit et dans ce cas, de définir ce qu’il faut entendre par le terrain d’assiette d’une construction. Il s’agit en effet d’un concept, non clairement défini, qui est au cœur de ces redressements 
  • l’article 392 de la directive TVA qui est le support de l’article 268 du CGI vise « les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente ». Cette notion devra être précisée à l’occasion de ces contentieux pour comprendre si elle ne vise que les biens inscrits en stock, à défaut des biens immobilisés 
  • derrière les contentieux autour de la TVA collectée chez les marchands de biens et les lotisseurs, il ne faut pas oublier les redressements opérés chez les acquéreurs au titre de la TVA facturée à tort lorsque l’administration fiscale estime que la TVA sur marge devrait être appliquée au lieu de la TVA sur le prix retenu par les parties

L’évolution de la position de l’administration fiscale obligerait donc, dans certaines opérations, de revenir à un calcul de TVA sur marge alors que les parties, toutes les deux récupératrices de TVA, avaient retenu une TVA sur prix.

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Patrick Fumenier

Patrick Fumenier a été avocat associé en charge de développer le knowledge management au sein de Deloitte Société d’Avocats de septembre 2016 jusqu’à son départ du Cabinet en janvier 2020. […]

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Alexandra Baudart

Alexandra Baudart, Avocat, est titulaire d’un Master Recherche en Droit fiscal (Université Paris I Panthéon-Sorbonne). Elle a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en tant que collaboratrice en 2016, […]